«Je ne touchais pas à ça»: Stéphan Huot dit qu’il n’était pas au courant des finances de ses 150 entreprises
Cette déclaration, lancée au deuxième jour de son interrogatoire dans le cadre de ses faillites, a fait sourciller le juge


Kathryne Lamontagne
Le promoteur déchu Stéphan Huot n’était pas au courant des finances de ses quelque 150 entreprises, une déclaration qui a fait sourciller le juge au deuxième jour de son interrogatoire dans le cadre de ses faillites.
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«Je touchais pas à ça pantoute», a lancé devant le tribunal, jeudi, celui qui était à la tête du défunt Groupe Huot.
«Je trouve ça surprenant. Très surprenant. Vous ne vous occupiez pas des déboursés, vous ne vous occupiez pas des opérations à quelque niveau que ce soit, vous ne vous occupiez pas de la construction», a observé le juge Jean-François Émond, l’air perplexe.
Stéphan Huot – qui présente toujours des dettes de 375M$, selon les plus récentes données présentées en cour – s’est défendu en affirmant que chaque entité de son empire pouvait compter sur des «soldats» qui, eux, avaient «carte blanche» pour gérer les états financiers.
«Je laissais ça à mes gestionnaires, on me donnait un résumé de la situation [...] Moi, j’étais à haut niveau», s’est-il défendu, se présentant davantage comme un «développeur» que comme un administrateur.
Huot assure qu’il surveillait toutefois le «cashflow» de ses compagnies. «Ce qui est important, c’est qu’est-ce qu’il reste dans la ligne du bas. Est-ce qu’on a de la liquidité?» a-t-il imagé.
Il affirme que plusieurs de ses entreprises, après avoir traversé une période déficitaire, ont fini par être rentables. Cela ne l’a toutefois pas empêché de cumuler près de 1,2G$ de dettes, en septembre 2023.
«Essayer d’être transparent»
Notons que le juge Émond s’est montré excédé par moments par le témoignage de Stéphan Huot, qui peinait à répondre clairement aux questions «d’une simplicité désarmante» de Me Roy.
À une occasion, le failli a affirmé qu’il détenait 49% des actions d’une lunetterie, dans laquelle il avait injecté 450 000$. Mais il a été incapable de préciser laquelle de ses entreprises avait fait le prêt ou quel avocat avait préparé l’entente. «Je n’ai pas accès à ça», a-t-il soutenu.
«Quand je vous écoute, j’ai comme l’impression que vous ne savez pas grand-chose», a lancé le juge Émond, l’invitant à faire un effort et à «essayer d’être transparent».
Des loyers payés comptant
Des locataires du Groupe Huot payaient leur loyer en argent comptant, a affirmé Stéphan Huot, ajoutant que des espaces de stationnement ou de rangement pouvaient aussi être acquittés de cette manière.
Le failli a aussi dévoilé qu’il avait loué, à «trois ou quatre reprises», son ancien luxueux chalet de neuf chambres, à Manouanis, pour la somme de 1200$ par jour, par personne. Ces frais de location – qui pouvaient monter jusqu’à 30 000$ pour un long week-end – étaient aussi généralement payés comptant.
Huot soutient d’ailleurs avoir toujours eu entre 20 000$ et 35 000$ en argent dans un coffre-fort rangé dans son bureau. C’est qu’il en avait régulièrement besoin pour payer comptant une partie des employés de son chalet ou pour payer l’essence des hélicoptères, a-t-il illustré.
4500 voyages d’hélicoptère pour construire son chalet
Il a fallu plus de 4500 voyages d’hélicoptère pour monter tous les matériaux, les mobiliers et les équipements servant à construire et à aménager l’ancien chalet de Stéphan Huot, à Manouanis, qu’il estime à une valeur de 7M$.
Malgré la somptuosité de l’endroit uniquement accessible par hélicoptère, le promoteur assure qu’il ne s’est pas construit là «une place à party».

Il dit avoir construit ce chalet – qu’il a fréquenté chaque mois – notamment pour loger des pilotes d’hélicoptère qui montaient vers le nord et «gâter» ses fournisseurs. Il avance que le lieu constitue aussi une base «très névralgique» pour le ravitaillement des hélicoptères de la compagnie de sauvetage Airmédic.
Pas d’étude de marché avant de lancer des concepts
Stéphan Huot n’a fait aucune étude de marché avant de lancer le Complexe Capitale Hélicoptère, qui a mis des années avant d’être rentable. Le promoteur a soutenu s’être inspiré d’un concept qu’il avait vu à Las Vegas pour imaginer ce projet.
«C’est une bulle qui m’est arrivée au cerveau. Recommencer ça aujourd’hui, je ne le ferais pas», a-t-il avancé.
Le promoteur n’a pas non plus sondé le marché avant d’acheter des terrains à Lévis pour y lancer son centre de distribution et de transport, domaine dans lequel il connaissait «zéro». Huot affirme que ce projet a été entrepris après qu’il a constaté que des entrepôts poussaient à Montréal.
L'interrogatoire se poursuivra à l'automne.
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