«Je me sens mal pour Pierre»: dans le comté de Poilievre, des électeurs conservateurs sont tentés par Carney

Raphaël Pirro
Les libéraux de Mark Carney chauffent Pierre Poilievre dans sa propre circonscription de Carleton, à Ottawa, où Le Journal a constaté que le chef conservateur a perdu des appuis de longue date, même s’il peut encore compter sur de fidèles partisans.
• À lire aussi: Élections fédérales lundi prochain: Carney représente une «menace existentielle», dit PSPP
• À lire aussi: «Je suis le seul qui peut offrir un changement»: Pierre Poilievre reste optimiste pour l’élection fédérale
• À lire aussi: «Tout peut encore se jouer dans les prochains jours», croit Blanchet
«Je me sens mal pour Pierre», a confié Alice Sturgeon, une résidente du comté formé essentiellement de villages ruraux et de quelques poches plus urbaines en banlieue d’Ottawa.

«J’ai voté pour lui dès le début, en 2004, mais il est devenu un wacko de droite pendant le “convoi de la liberté”», a affirmé la retraitée, qui fait pourtant l’éloge du travail de M. Poilievre comme député dans sa circonscription.
Le mouvement vers Mark Carney est tel que même une amie de Mme Sturgeon qui voyait Donald Trump d’un œil positif penche maintenant pour les libéraux. Son vote, comme celui de Mme Sturgeon et d’un nombre record de Canadiens qui ont voté par anticipation, est déjà dans la boîte de scrutin.
De son côté, Kathy Quinn est une conservatrice qui ne votera jamais autrement que conservateur. Elle garde chèrement une photo prise dans les années 2000 de Pierre Poilievre avec trois de ses petits-enfants, des triplettes.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Mme Quinn craint les dépenses des libéraux et leurs déficits à répétition. Cela ne l’empêche pas de lancer des fleurs au nouveau chef libéral.
«[Poilievre] n’est pas sophistiqué comme Carney. Carney se démarque comme premier ministre. Vraiment», a-t-elle lancé.

Une course plus serrée que prévu
Des sondages internes des clans conservateurs et libéraux obtenus par le quotidien Globe & Mail font état d’une course extrêmement serrée dans Carleton, au point où le PCC a déployé des militants expérimentés.
La politologue Geneviève Tellier serait très surprise si M. Poilievre perdait son comté aux mains du candidat libéral, Bruce Fanjoy.
«C’est quand même un chef de parti, et si jamais les conservateurs gagnent, ils seraient dans la circonscription du premier ministre», a-t-elle dit.
Carleton «est un peu comme la banlieue de Toronto»: elle n’échappe pas au mouvement de fond qui traverse l’Ontario, où la question qui prédomine est celle du meilleur leader face à Trump.
«Et ils ne sont pas tous convaincus que c’est Pierre Poilievre», a analysé l’experte.

À quatre jours du vote, plusieurs sondages pointent vers un quasi-balayage par les libéraux dans la province où presque tout se joue.
La valse-hésitation
«Avant tout le fiasco Donald Trump, je penchais pour les conservateurs», a affirmé Tim, un pharmacien dans le village de Greely.
Ancien voisin de Pierre Poilievre, il croit qu’il est «trop risqué en ce moment de s’aligner avec les États-Unis» en votant pour les bleus.
«Si vous m’aviez posé la question il y a quelques mois, ça aurait été une autre histoire», a-t-il laissé sous-entendre.
Assis à une table extérieure d’un A&W, quatre amis dans la jeune vingtaine avouent leur penchant pour le Parti conservateur du Canada. Le plus indécis d’entre eux suscite les moqueries parce qu’il a voté par anticipation pour le Parti Rhinocéros.
«C’est difficile d’imaginer que je pourrai m’acheter une maison un jour. J’espère que ça va changer avec les conservateurs, a raconté John, les yeux au ciel. Trudeau a tellement fait un mauvais travail, on a peur que les libéraux continuent de ruiner notre génération.»
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.