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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Jamais sans mon AirTag: l’école ne sait pas vraiment où est votre enfant

Le Journal a répertorié de nombreux cas d’élèves égarés par le transport scolaire ou le service de garde

Le 6 février, le fils autiste de Pascal Joyal-Ménard et la fille de 5 ans de Fanny Gougeon ont été égarés par la même école lors de deux circonstances complètement différentes.
Le 6 février, le fils autiste de Pascal Joyal-Ménard et la fille de 5 ans de Fanny Gougeon ont été égarés par la même école lors de deux circonstances complètement différentes. Photo Martin Alarie
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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2025-05-04T04:00:00Z
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Savez-vous vraiment ce qui se passe dans l’autobus jaune de votre enfant? Chauffeurs vulgaires ou agressifs, élèves turbulents hors de contrôle, enfants égarés. Le Journal a épluché des centaines de plaintes en lien avec le transport scolaire.


Des fillettes débarquées à 15 minutes de voiture de chez elles. Un garçon autiste retrouvé seul au centre-ville de Joliette. Des chauffeurs qui obligent des élèves à descendre n’importe où. Les incidents où des élèves sont égarés constituent un des motifs de plaintes les plus récurrents concernant le transport scolaire.

«Si [la bonne samaritaine] n’avait pas été là, qu’est-ce qui se serait passé?», se demande Pia Cutillo, une mère de Mirabel.

À l’hiver 2024, un chauffeur remplaçant a insisté pour que ses deux filles descendent à un arrêt qui n’était pas le leur, à 15 minutes de voiture de chez elles.

«Mes filles ont commencé à pleurer», rapporte Mme Cutillo. Elles avaient alors 6 et 8 ans.

Heureusement, une mère qui se trouvait à cet arrêt a insisté pour que le chauffeur ne reparte pas tout de suite.

«Le chauffeur n’avait aucune info. Elle est donc allée sur Facebook, elle a trouvé mon beau-père, qui a appelé mon mari», raconte Mme Cutillo.

Pas qu’une anecdote

Des histoires semblables ont été rapportées dans de nombreuses régions depuis 2022.

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C’est arrivé à Québec, à Montréal, à Laval, en Outaouais, dans Lanaudière, dans les Laurentides et en Montérégie, parfois à plusieurs reprises dans un même CSS, selon les centaines de plaintes reliées au transport scolaire examinées par Le Journal.

Et ces cas sont des incidents distincts des témoignages de parents rapportés ici.

La compagnie Autobus Longueuil [aujourd’hui Autobus Rive-Sud] a d’ailleurs été condamnée à payer 4500$ à la famille d’une fillette qui a été débarquée à 4 km de son arrêt habituel en 2017, alors qu’il faisait -15°C dehors, peut-on lire dans un jugement de septembre 2024 de la Cour des petites créances.

C’est finalement une bonne samaritaine qui a embarqué l’enfant dans sa voiture et l'a emmenée dans un restaurant. La fillette de 7 ans est restée «inconsolable» pendant plusieurs heures après son retour à la maison, relate-t-on dans la décision.

Autobus Rive-Sud n’a pas rappelé Le Journal.

Confiance perdue

Des parents ont été tellement échaudés par un incident du genre qu’ils décident maintenant d’installer un dispositif GPS dans les effets personnels de leur enfant, comme c’est le cas des filles de Pia Cutillo.

«Tu envoies ton enfant à l’école, tu es supposé avoir confiance dans les adultes qui s’en occupent», lance Jennifer Tremblay, une mère de Terrebonne qui a passé trois heures sans nouvelles de sa fille lorsqu’un trajet d’autobus a viré au chaos en septembre dernier.

Maddison, 6 ans, part dorénavant pour l’école avec un AirTag dans son sac à dos.

Maddison Poitras, 6 ans, a toujours un AirTag dans son sac à dos au cas où un nouvel incident survienne avec son autobus scolaire.
Maddison Poitras, 6 ans, a toujours un AirTag dans son sac à dos au cas où un nouvel incident survienne avec son autobus scolaire. Photo Dominique Scali

«Chaque cas, c’est un cas de trop», souligne Dominique Robert, président de la Fédération des centres de services scolaires du Québec.

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Mais il faut mettre les choses en perspective: quelque 580 000 élèves sont transportés chaque jour au Québec. «Il n’y a jamais de risque zéro», rappelle-t-il.

Deux enfants égarés par la même école le même soir

Le 6 février, une fillette a été mise dans un autobus alors qu’elle n’était pas inscrite au transport scolaire. Le même soir, un garçon autiste censé être au service de garde a été retrouvé seul au centre-ville.

Ils fréquentaient tous deux l’école des Mésanges, à Joliette.

Le pavillon Sainte-Marie de l'École des Mésanges, à Joliette.
Le pavillon Sainte-Marie de l'École des Mésanges, à Joliette. Photo Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal

«Je suis en colère. Je trouve ça inacceptable. J’ai eu la peur de ma vie», s’indigne Fanny Gougeon.

Sa fille, Juliette, 5 ans, est en maternelle. Quand son père est arrivé au service de garde pour la récupérer, il s’est fait répondre qu’elle avait pris l’autobus.

Juliette n’avait pourtant jamais pris l’autobus scolaire de sa vie, puisqu’elle n’y a jamais été inscrite.

À la fin du parcours, c’est le chauffeur qui a réalisé l’erreur et a téléphoné à quelqu’un de son entourage qui connaissait Juliette.

«Hystérique»

Une heure plus tard, un autre incident est survenu. Bryan, 6 ans, a un trouble du spectre de l’autisme.

Il nécessite une surveillance constante, ce que le service de garde de l’école savait très bien, affirme son père, Pascal Joyal-Ménard.

Bryan a pourtant pu mettre son manteau, ses bottes, quitter l’école sans mitaines ni sac et faire un bon bout de chemin avant que l’école ne contacte M. Joyal-Ménard pour l’informer de sa disparition.

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Arrivé en trombe à l’école, il a lui-même contacté la police, en panique.

«J’étais hystérique», avoue-t-il. Les policiers ont d’ailleurs dû le maîtriser.

«Je regrette certaines de mes paroles», confesse-t-il. Mais sa colère envers la désorganisation du service demeure.

Subway

Le garçon a finalement été retrouvé en pleurs au centre-ville de Joliette, un secteur marqué par la présence de personnes itinérantes ou instables.

«Ce n’est pas une place pour un enfant!», s’est exclamée Amélie Brasseur, qui travaillait au Subway ce soir-là et a téléphoné à la police.

Bryan avait traversé au moins un pont et deux rues avec feux rouges avant de rentrer à la maison, et de tomber sur une porte verrouillée.

Comment expliquer que deux incidents semblables aient pu se produire le même soir? Notre demande d’entrevue avec la direction de l’école a été refusée.

Le CSS des Samares explique toutefois par courriel que dans le cas de Juliette, deux enfants portant le même prénom ont été confondus. Dans le cas de Bryan, il a échappé à la surveillance du personnel.

Depuis, plusieurs mesures ont été mises en place pour éviter que cela se reproduise, comme une réorganisation des locaux du service de garde et une bonification du nombre de surveillants, indique Hélène Duchaine, du service des communications.

QUELQUES EXEMPLES DE PLAINTES PORTANT SUR DES ENFANTS ÉGARÉS

Lors de la rentrée 2023, une mère attendait sa fille de 5 ans à son arrêt, mais la fillette n’était plus dans l’autobus. Elle avait été débarquée à un arrêt précédent. «Je demande au chauffeur, il me dit qu’il n’est pas responsable» et ne sait pas exactement où elle est descendue, raconte la mère dans sa plainte. Elle dit n’avoir réussi à joindre ni l’école, ni le transport scolaire, ni le service des plaintes. La fillette a finalement marché 1 kilomètre toute seule, «apeurée». —CSS de la Capitale, Québec


«Le chauffeur n’a pas voulu déposer son fils de 7 ans à son arrêt. Un ouvrier de la construction a vu le petit pleurer et lui a demandé ce qui se passait», décrit-on dans une note d’événement de janvier 2024. —CSS de Laval


Un enfant de maternelle et un autre de 3e année ont été débarqués au mauvais arrêt, même s’ils avaient indiqué à la chauffeuse ne pas habiter là. «Ils sont restés plus de 15 minutes dans le froid au bord de la rue sans trottoir», décrit le parent dans sa plainte. C’est une bonne samaritaine qui les a trouvés et a appelé les parents. —CSS des Mille-Îles, Laurentides


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