J’ai construit un pénis en 3D en essayant un jeu d’éducation à la sexualité


Léa Martin
Avec Réforme, un jeu d’éducation à la sexualité destiné aux élèves du primaire et du secondaire, Béatrice Amyot veut changer la manière d’enseigner le corps aux jeunes. On a essayé le jeu pour vous.
Terminé les condoms sur les bananes et le pénis en bois de l’infirmière de votre école! Réforme ressemble plutôt à un ensemble de blocs Lego anatomique.
En suivant les instructions et les questions sur des cartes thématiques, les élèves bâtissent petit à petit un appareil reproducteur féminin ou masculin de taille réelle en 3D. Une fois la construction complétée, les élèves doivent identifier les différentes parties des organes.
L’objectif du jeu: offrir aux élèves une représentation ludique, mais réaliste de leur propre corps. Les couleurs pétantes des objets attirent l'oeil et font en sorte que les jeunes ne vont pas tenter de comparer leur propre corps au jeu, tout en représentant des modèles anatomiques à l'échelle humaine.

«La première fois que j’ai vu le vagin et l’utérus ensemble, j’étais sûr qu’il y avait une erreur. On a tellement l’habitude de voir des représentations en 2D, que je me disais que ça ne se pouvait pas qu’il y ait un angle de 90 degrés entre les deux. Pourtant, c’est mon corps», confie à 24 heures la jeune femme diplômée en design de produits à l’Université Laval.
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«C’est rare que tu voies l’intérieur d’un corps grandeur nature», remarque pour sa part la sexologue Judith Sasseville, qui s'intéresse au projet de Béatrice depuis les débuts.
«On te parle du clitoris, on te parle d’un utérus, mais tu n’as aucune idée c’est gros comment. Tu te fais une idée, mais dans le fond là [avec Réforme], tu le vois pour de vrai», ajoute-t-elle.
Il existe deux versions du jeu: une pour les élèves en cinquième année du primaire et une autre pour la troisième année du secondaire. Chacune des versions aborde les notions obligatoires du cursus ministériel.
Comment on joue?
Pour vraiment tester mes connaissances de base, j’ai essayé de jouer à la version pour les élèves du primaire. Après avoir construit un pénis jaune, je devais identifier ses différentes composantes avec une pâte à modeler bleue. «Elle sent bon en plus», s’exclame Béatrice avec le sourire.

Normalement, le jeu se joue en équipe et les jeunes doivent tenter de répondre aux questions ensemble.
Apprendre aux enfants à nommer les parties de leur corps convenablement, c’est aussi une manière de les protéger en cas d’agression, insistent Béatrice Amyot et Judith Sasseville. C’est une manière de donner aux enfants un contrôle sur leur propre corps et de pouvoir nommer le moindre problème.
Le plaisir avant tout
Lorsqu’elle a conçu Réforme, Béatrice Amyot voulait qu’il soit attrayant. Elle souhaitait que son jeu suscite chez les élèves le même effet que lorsqu’un de ses profs arrivait dans la classe avec le chariot à roulettes sur lequel trônait un téléviseur.
«Tout le monde savait qu’on allait écouter un film et que ça allait être une bonne période. Je voulais créer la même chose avec Réforme. Quand on voit les valises roses, on sait que le cours va être le fun.»
La cerise sur le sundae: toutes les pièces du casse-tête sont pensées et produites au Québec.
«C’est résistant et chaque pièce peut être remplacée de manière individuelle», souligne Béatrice Amyot.
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Uniformiser le savoir
Avec Réforme, Mme Amyot voulait aussi enlever du poids sur les épaules des enseignantes et enseignants qui ne sont pas toujours outillés pour enseigner le programme d’éducation à la sexualité.
«[Il se peut que certains] enseignants aient vécu un trauma ou une éducation très rigide [en lien avec la sexualité] et qui, à leur tour, enseigneront quelque chose de très rigide en perpétuant des tabous ou des préjugés», mentionne-t-elle.
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Dans les classes où le jeu est déjà utilisé, le retour des enseignants, des élèves et des parents est très positif, assure sa conceptrice.
Un outil comme Réforme permet ainsi d’uniformiser le programme pour que tous les jeunes reçoivent la même information approuvée par des professionnels et le ministère.
«C’est pour que les enfants soient tous équipés de la même manière pour faire en sorte que, plus tard, il n’y ait pas de disparité à savoir comment les enfants ou les adolescents vont interagir entre eux et comment ils vont savoir s’exprimer au niveau de leurs émotions ou de leur corps», ajoute Judith Sasseville.