Jacques Rougeau: les raisons de sa pause professionnelle
Pour assister à la conférence «C'est qui l'boss»: cldv.ca.
Daniel Daignault
Jacques Rougeau est tout un personnage! Il a œuvré dans le monde de la lutte professionnelle durant plus de 40 ans, et son humour et sa bonhommie en ont fait un homme très populaire tant au Québec qu’aux États-Unis. Même s’il ne lutte plus aujourd’hui – il vient d’avoir 65 ans –, il demeure très actif.
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Jacques Rougeau est un homme éminemment sympathique; il n’y a pas une once de malice chez lui. Il a connu une grande carrière et a évidemment beaucoup de choses à raconter. Au cours de notre entretien, il répétera à plusieurs reprises qu’il a été chanceux, même si on sait très bien qu’il a travaillé très fort pour réussir. «La plupart des gars qui ont lutté avec moi sont disparus, mal en point ou en fauteuil roulant, souligne-t-il. J’ai vraiment été très chanceux, et je pense que c’est en grande partie en raison du train de vie que j’ai toujours mené. Mon frère Raymond (également ex-lutteur) et moi avons toujours eu une chose en commun: nous étions disciplinés. On a toujours été sages: on ne sortait jamais après les spectacles et, le matin, on se retrouvait au gymnase. On savait ce qu’on avait à faire parce que la santé a toujours été importante pour nous. On a eu de bons mentors. Je pense, entre autres, à mon oncle Jean, à mon père, Jacques (qui ont laissé leur empreinte sur le monde de la lutte au Québec), et avant, mon grand-oncle Eddy Auger (qui a surtout lutté aux États-Unis). Ils ont tous été élevés dans la discipline et ils avaient de bonnes valeurs qu’ils nous ont transmises.»
Dans le milieu de la lutte professionnelle, Jacques Rougeau tranchait avec les autres, justement parce qu’il n’avait pas les mêmes priorités que ses collègues. «Je repense à tout ce que j’ai vécu... Quand je me déplaçais de ville en ville avec les autres lutteurs, je me souviens que la première chose qu’ils cherchaient quand on arrivait quelque part, c’était les bars. C’était leur priorité dans la vie: les clubs de nuit et les clubs de danseuses. Raymond et moi, on faisait bande à part, parce que la première chose à laquelle on pensait, c’était de trouver un gym pour nous entraîner. On était mal vus des autres. On était comme des gars bizarres pour eux, même s’il y avait quand même d’autres lutteurs qui étaient sages. C’était notre mode de vie. Et aujourd’hui, on récolte! Mon frère Raymond est en pleine forme et c’est la même chose pour moi. Quand on regarde en arrière, on réalise à quel point ç'a été une bonne chose qu’on soit disciplinés.» Quand il pense qu'après 43 ans de lutte professionnelle, il est toujours en excellente forme, juge-t-il qu’il a pris sa retraite trop vite ou trop tard? «Ah, trop vite! J’ai encore le goût d’embarquer dans le ring! J’ai fait mon dernier combat juste avant la pandémie, avec mes trois fils. Finalement, on a recréé ce que mon père avait fait avec ses fils, Raymond, Armand et moi, quand nous étions jeunes.» C’est évidemment un souvenir bien gravé dans sa mémoire.
Même s'il est officiellement à la retraite, Jacques a un emploi du temps assez chargé, puisqu’il est régulièrement invité à participer à des Comiccon, ces conventions réunissant les collectionneurs et les passionnés de sport, de personnages de bandes dessinées et de films et séries télé, entre autres. Bien des personnalités se retrouvent dans ces événements, et Jacques est du nombre. De plus, on lui demande souvent de participer à des galas de lutte en tant qu'arbitre, afin qu’il fasse régner la loi et l’ordre lors des combats. C’est en quelque sorte un lien direct avec The Mountie, le personnage de policier corrompu de la Gendarmerie royale du Canada qu’il a incarné sur le ring durant plusieurs années. «Toutes ces invitations m’amènent à me déplacer pas mal. Au cours des deux derniers mois, je suis allé à New York, Boston, Niagara Falls, Minneapolis, en Nouvelle-Écosse et en Nouvelle-Angleterre, entre autres. Je suis vraiment occupé, et c’est parfait comme ça.»
Une période difficile
Ceux qui suivent Jacques sur les réseaux sociaux savent que Nathalie, sa compagne, a traversé des moments difficiles récemment, puisqu'elle a lutté contre un cancer. «Elle va bien maintenant, elle est en rémission depuis cinq mois. Elle a été opérée, elle a fait de la chimiothérapie durant 16 mois et aussi de la radiothérapie», confie Jacques, qui avoue que cette période a été difficile, mais que Nathalie et lui n’ont jamais baissé les bras. «On a vu le médecin il y a quelques semaines, et il lui a dit que tout était beau, que tout ça était derrière elle. Pour son moral, elle avait besoin d’entendre ça. Ça lui a fait du bien, parce que durant tous ces mois, elle a eu beaucoup d’inquiétudes.»
Jacques n’est pas du genre nostalgique, mais puisqu’il est très souvent appelé à raconter certains moments de sa carrière, il confie que s’il pouvait tout recommencer, il ferait certaines choses différemment. «Je dirais d’abord que j’aurais une meilleure attitude. Quand j’étais jeune, j’étais un peu “frais chié”. J’étais beau, j’avais les cheveux blonds, je mesurais 6 pi 4 et j’étais prétentieux.» Bref, il ne se prenait pas pour un 7up flat! «J’étais quand même gentil avec le monde, mais mon attitude ne passait pas toujours bien auprès des gars dans les vestiaires. Surtout que - et je le dis humblement - j’étais talentueux. Alors tout ça mis ensemble, ça créait de la jalousie chez mes pairs. Bref, si c'était à recommencer, je serais un peu plus tranquille, mais je garderais mon sens de l’humour.»
Jacques a aussi réalisé qu'à ses débuts, il n'était pas sur la même longueur d’onde que plusieurs de ses collègues lutteurs. «Moi, j’étais un bon vivant, j’étais heureux. Je ne réalisais pas que ceux qui étaient plus vieux et qui avaient une famille et des enfants s’ennuyaient, parce qu'ils passaient 25 jours par mois sur la route pour le travail. Ils avaient souvent des problèmes parce qu’ils n’étaient pas souvent à la maison, et il y a bien des couples qui se sont séparés. Ils avaient beaucoup d’inquiétudes, et le fait de me voir dans un tout autre autre état d'esprit, tout heureux d’être là, ça ne passait pas toujours. Ce sont des leçons de vie que j’ai apprises.»
Des conférences au Québec
Jacques présente des conférences depuis de nombreuses années, notamment dans les écoles primaires et secondaires. Ce 22 juin, il relancera la conférence humoristique C’est qui l’boss au Centre Léonardo Da Vinci de Saint-Léonard, avant de repartir en tournée à travers le Québec. La rencontre promet d’être fort intéressante, qu’on connaisse le personnage ou pas. «Je parle de ma carrière et je raconte des histoires inédites, des choses drôles et moins drôles qui se sont passées en coulisses, et aussi des histoires sur plein de lutteurs qui ont croisé mon chemin pendant ma carrière. Tout le monde est pareil, tout le monde vit toutes sortes de choses, mais à cause de ma notoriété, j’ai vécu beaucoup de moments et de situations extraordinaires que je raconte aux spectateurs. Il y aura un écran géant sur lequel seront projetées des vidéos et des photos. Maintenant que Nathalie est en rémission, on repart la tournée à travers le Québec. Ça fait sept ans que je présente cette conférence un peu partout au Québec et, en toute modestie, on remporte beaucoup de succès. Les spectateurs s’amusent beaucoup et sont très intéressés.»