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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Jacques Plante: le gardien de but qui a osé porter un masque de hockey

Jacques Plante, le 1er novembre 1959. Le gardien des Canadiens s’effondre sur la glace, le visage ensanglanté. Il quitte la patinoire pour se faire recoudre une partie du visage. À ce moment de sa carrière, Jacques Plante compte sept saisons dans la Ligue nationale et a déjà reçu au moins 150 points de suture à la figure.
Jacques Plante, le 1er novembre 1959. Le gardien des Canadiens s’effondre sur la glace, le visage ensanglanté. Il quitte la patinoire pour se faire recoudre une partie du visage. À ce moment de sa carrière, Jacques Plante compte sept saisons dans la Ligue nationale et a déjà reçu au moins 150 points de suture à la figure. thesipadvisor via CBC
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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2024-01-02T05:00:00Z
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Le soir du 1er novembre 1959, à New York, le Club de hockey Canadien joue sur la patinoire des Rangers. Le Madison Square Garden est plein à craquer. Les New-Yorkais se sont déplacés pour voir les frères Richard, le grand Béliveau, Boum-Boum Geoffrion, Doug Harvey et bien sûr le gagnant du trophée Vézina, Jacques Plante. La Sainte-Flanelle, c’est l’équipe de l’heure dans la Ligue nationale, elle vient de remporter quatre coupes Stanley et semble déterminée à en gagner une cinquième.

Après seulement quatre minutes du début de l’engagement, l’ailier droit des Rangers Andy Bathgate décoche un puissant tir qui percute le côté gauche du visage de Jacques Plante. Le gardien du Canadien s’effondre sur la glace, le visage ensanglanté. On a appris plus tard, de son propre aveu, que le joueur des Rangers avait intentionnellement orienté son tir vers la tête de Jacques Plante pour se venger, parce que le gardien l’avait harponné avec son bâton un peu plus tôt dans la rencontre. 

La blessure est vilaine, Jacques Plante sort de la patinoire, aidé par des coéquipiers, et se dirige vers l’infirmerie où on lui fait de nombreux points de suture au visage. 

Avant le masque, les blessures sont fréquentes pour les gardiens de but au hockey.
Avant le masque, les blessures sont fréquentes pour les gardiens de but au hockey. UPI/Bettmann/Detroit Times

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Il faut savoir qu’en 1959, les équipes n’avaient qu’un seul gardien dans l’alignement pour leurs parties à l’étranger. Quand ce dernier était blessé, c’est l’équipe locale qui en fournissait un, c’était bien souvent un joueur de calibre junior. 

C’est dans ce contexte que l’entraîneur Toe Blake demande à son cerbère blessé de retourner sur la glace. Plante accepte, mais à condition de pouvoir revenir dans la mêlée avec un masque protecteur. 

À son arrivée sur la glace, les 15 925 spectateurs présents ce soir-là au Madison Square Garden se mettent à murmurer. Les journalistes sont surpris, puis les partisans de l’équipe new-yorkaise se moquent de lui. Certains vont tenter de l’intimider en lui suggérant par exemple d’enlever son déguisement d’Halloween (c’est le 1er novembre, ne l’oublions pas). Plante ne se laisse pas déconcentrer, il arrête 29 des 30 tirs dirigés contre lui et conduit son équipe à une victoire de 3-1.

Le masque n’est pas apparu par hasard

Dans ses séances d'entraînement, Jacques Plante pouvait recevoir jusqu’à 300 tirs, tandis que durant une partie, il en recevait à peu près 10 fois moins. Plante portait déjà un masque depuis quelques années à l’entraînement. Il faut dire qu’il s’était déjà fait briser deux fois la mâchoire, environ trois fois le nez, sans parler de ses fractures aux os de la joue et de ses centaines de points de suture au visage. L’entreprise Fiberglass lui avait confectionné un masque qui le protégeait à l’entraînement. 

La position de gardien de but au hockey a longtemps été la plus vulnérable aux blessures. Le premier masque de Jacques Plante est moulé à son visage, puis il travaille à l’amélioration de son prototype. Il garde les buts avec un masque en fibre de verre plus aéré (le style bretzel). Il faudra attendre le gardien russe Vladislav Tretiak (série du siècle de 1972) pour voir le casque avec grille apparaître en Amérique.
La position de gardien de but au hockey a longtemps été la plus vulnérable aux blessures. Le premier masque de Jacques Plante est moulé à son visage, puis il travaille à l’amélioration de son prototype. Il garde les buts avec un masque en fibre de verre plus aéré (le style bretzel). Il faudra attendre le gardien russe Vladislav Tretiak (série du siècle de 1972) pour voir le casque avec grille apparaître en Amérique. PHOTO: PC

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Jacques Plante n’est cependant pas le premier joueur de la Ligue nationale à porter un masque durant une partie. L’honneur revient à un gardien des Maroons de Montréal, Clint Benedict. Lors de son retour au jeu, à la suite d’une fracture du nez le 22 février 1930, Benedict a gardé son filet avec un rudimentaire masque de cuir. Son masque protégeait à peine son front, son nez et son menton. Aussi, il lui obstruait en partie sa vision, il avait de la difficulté à voir ses patins. Après cinq rencontres, il a abandonné sa mince protection. 

Pression pour abandonner le masque

À la suite de la partie du 1er novembre contre les Rangers de New York, Plante continue à garder les buts avec son masque malgré les réticences de son entraîneur. Toe Blake pensait que si un gardien de but ne craignait pas pour sa vie, il ne serait pas assez alerte pour bien défendre son filet. En plus, Blake redoutait que le masque lui bloque la vue et que son joueur soit humilié par les partisans.  

Plante fait à sa tête et enfile huit victoires consécutives. En fait, le gardien n’accorde que 13 buts dans ses 11 premières parties avec un masque au visage. Après 50 parties, Plante cède à la pression de son entraîneur et accepte de jouer un match sans masque contre les Red Wings de Detroit. Le Canadien perd la partie avec le compte de 3-0. Vous pouvez imaginer, après cette défaite, que plus personne ne lui demandera de garder les buts sans son fameux masque. 

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Jacques Plante remporte la coupe Stanley à six reprises, dont cinq années consécutives de 1955 à 1960.
Jacques Plante remporte la coupe Stanley à six reprises, dont cinq années consécutives de 1955 à 1960. B Bennett/Getty Images

Phénomène d’entraînement

Quelques semaines plus tard, en décembre 1959, le gardien des Bruins de Boston Don Simmons se présente lui aussi avec un masque devant son filet. Il blanchit l’adversaire. Il n’en fallait pas plus pour qu’on remette en question l’absurdité de se faire bombarder de rondelles de hockey sans avoir une protection au visage, puis éventuellement, à la tête. 

Même s’ils étaient plusieurs à se laisser tenter par le port d’un masque pendant les entraînements, de nombreux propriétaires, directeurs généraux et entraîneurs désapprouvaient cette nouvelle tendance durant les affrontements. Certains allaient jusqu’à dire que cette protection au visage était un signe de faiblesse, un manque de courage ou encore que le masque empêchait les spectatrices d’apprécier le visage de guerrier des gardiens.

Bref, malgré les contestations, le masque s’imposera à toute la ligue. Le 7 avril 1974, Andy Brown, des Penguins de Pittsburgh, sera le dernier gardien à avoir joué à visage découvert dans le meilleur circuit de hockey au monde. 

L’enfance de Jacques Plante Jacques Plante a appris à jouer au hockey à Shawinigan. Il choisit un peu par défaut la position de gardien parce qu’il est asthmatique. Il vient d’une famille modeste et très débrouillarde. C’est son père qui va lui tailler son premier bâton à même un arbre. Ses jambières sont faites avec des sacs de patates rembourrés. Il apprend à tricoter grâce à sa mère pour se confectionner des tuques et ainsi se garder au chaud sur la glace.
L’enfance de Jacques Plante Jacques Plante a appris à jouer au hockey à Shawinigan. Il choisit un peu par défaut la position de gardien parce qu’il est asthmatique. Il vient d’une famille modeste et très débrouillarde. C’est son père qui va lui tailler son premier bâton à même un arbre. Ses jambières sont faites avec des sacs de patates rembourrés. Il apprend à tricoter grâce à sa mère pour se confectionner des tuques et ainsi se garder au chaud sur la glace. Bibliothèque et Archives Canada

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