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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Jacques Parizeau, l’homme qui a osé toucher les étoiles

Plusieurs des ministres de René Lévesque en conférence 
de presse lors du premier mandat du Parti Québécois, à la 
fin des années 1970. De gauche à droite : Claude Morin, 
Jacques-Yvan Morin, Pierre-Marc Johnson, Jean Garon, 
René Lévesque, Jacques Parizeau et Bernard Landry.
Plusieurs des ministres de René Lévesque en conférence de presse lors du premier mandat du Parti Québécois, à la fin des années 1970. De gauche à droite : Claude Morin, Jacques-Yvan Morin, Pierre-Marc Johnson, Jean Garon, René Lévesque, Jacques Parizeau et Bernard Landry. PHOTO d'archives
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2025-05-31T04:00:00Z
2025-05-31T11:17:33Z
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Ce 1er juin marquera les dix ans de la mort de Jacques Parizeau. Déjà. Un moment très spécial pour se souvenir avec gratitude d’un homme qui, pour de nombreux Québécois, demeure aussi inoubliable qu’irremplaçable.

Son parcours de vie sur plusieurs décennies fut celui d’un homme dévoué entièrement au service public et à son amour bien concret du Québec.

Jacques Parizeau fut un économiste de renom. Un brillant bâtisseur du Québec moderne. Converti à l’indépendance, il y a vu un projet politique ambitieux, exigeant et surtout, essentiel.

Tellement qu’il lui a offert la majeure partie de sa vie. Y compris ses multiples combats pour tenter de calmer les peurs cumulées d’un peuple à qui d’autres disaient depuis longtemps qu’il ne méritait pas d’être libre de son destin.

Tour à tour, Jacques Parizeau fut un très grand ministre des Finances. Un chef du Parti Québécois de loin le plus près de sa base militante.

Enfin, lors du référendum du 30 octobre 1995, comme premier ministre, il a su propulser les Québécois aux portes de l’indépendance.

Par la suite, il n’a jamais cessé de contribuer à tous les débats majeurs de société. La pertinence et la force de ses sorties dérangeaient... et il le savait.

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Un phare dans la nuit

Il dérangeait même jusqu’au sommet du Parti Québécois parce qu’il en était l’ultime conscience. Un inébranlable phare dans la nuit.

Homme d’État dans le plein sens du terme, Jacques Parizeau était un être d’exception. Humaniste. Droit. Incorruptible. Capable des plus grands sacrifices sans la moindre complainte.

Un homme d’une intelligence redoutable. Travaillant, imaginatif et rigoureux comme pas un. En plus, passionné de culture dans toutes ses incarnations.

J’ai eu l’immense privilège de partager plusieurs conversations avec lui. Nous parlions de politique, bien sûr, mais aussi de famille, des amis et des épreuves de la vie.

Sa confiance inconditionnelle et sa bienveillance toute naturelle m’honoreront jusqu’à mon propre dernier souffle.

J’ai pu ainsi découvrir un Jacques Parizeau souriant, rieur, raffiné, charmant, bon vivant. Un homme également humble, enraciné dans le réel, mais toujours prêt à rêver grand. Très grand.

Il n’était pas rare non plus de le voir, ici et là, discutant en toute simplicité avec des citoyens qui, il faut bien le dire, n’en croyaient pas leurs yeux.

Homme de peu d’adresses personnelles successives, Jacques Parizeau ne s’est jamais caché au sommet d’une quelconque tour d’ivoire.

Cet échec n’est pas le sien

Généreux de son temps avec ceux et celles qu’il estimait, dont ma grande amie Sylvie, sa précieuse collaboratrice, Jacques Parizeau était aussi un grand amoureux. Un romantique. Intemporel et vrai.

En second mariage, son histoire d’amour avec Lisette Lapointe, partagée sur fond d’une vie politique enlevante, lui aura apporté beaucoup de bonheur et de sérénité.

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Depuis dix ans, son épouse, épaulée par la famille et les proches de M. Parizeau, s’assure de garder bien vivante la mémoire de cet homme unique au monde.

En juin 2015, quelques jours après sa mort, j’ai signé une chronique sous forme d’une lettre que je lui adressais personnellement. Les morts ne sont jamais plus vivants que lorsqu’on les garde bien au chaud dans nos cœurs.

Sur la défaite serrée du Oui et cette phrase qu’on lui aura beaucoup reprochée malgré une vie entière de dévouement au Québec, j’avais rédigé ces mots pour lui. J’ose croire qu’ils tiennent la route plus que jamais.

L’échec, le vrai, lui écrivais-je, est celui de ceux qui, dès après le référendum, ont préféré y succomber.

C’est pourquoi l’Histoire, Monsieur Parizeau, ne vous jugera pas sur une phrase injustement retenue contre vous par le tribunal des injustes, mais sur l’ensemble d’une œuvre politique proprement colossale.

Une œuvre bâtie pierre par pierre et qui, sur des décennies de service public et de combat pour l’indépendance, repose sur une intégrité inattaquable.

Vous avez osé toucher les étoiles de votre vivant. Que l’éternité vous déleste enfin de cet «échec» qui ne vous appartient pas. Reposez en paix et veillez sur ce Québec que vous avez tant aimé. Il en aura grand besoin.

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