«J'ai cru que j'allais mourir»: un rescapé raconte une attaque de rebelles Houthis en mer Rouge

AFP
«Nous sommes attaqués !», alerte le capitaine dans l'interphone, surprenant Cocoy, l'un des marins philippins rescapés du Magics Seas, navire attaqué en mer Rouge le 6 juillet par les rebelles houthis du Yémen, et dont l'AFP a pu recueillir le témoignage.
Le matelot de 38 ans comprend rapidement qu'une attaque est en cours. Le bruit d'impact qu'il entend est en fait un échange de tirs entre les membres de l'équipe de sécurité du Magic Seas, navire grec battant pavillon libérien, et les rebelles houthis du Yémen à bord de petites embarcations.
Cet assaut, qui a duré cinq heures, était la première attaque des Houthis contre la marine marchande en 2025, après plus de six mois d'interruption.
Les membres de l'équipage se précipitent pour rejoindre le «poste de rassemblement», l'endroit le plus sûr en cas d'attaque du Magic Seas.

«C'était la panique, mais nous savions qu'il fallait bouger. C'était comme si nous étions en pilotage automatique», a décrit auprès de l'AFP Cocoy, qui a demandé à être appelé par son surnom.
L'équipage «était surpris, mais tout le monde s'est dépêché de suivre le protocole de sécurité», a-t-il poursuivi.
«Il y avait des bateaux à droite, à gauche et à l'arrière de notre navire», a-t-il ajouté, rapportant les informations de l'équipe de sécurité du navire, composée de trois gardes sri-lankais. «Il y avait aussi une embarcation plus grande avec une quinzaine de membres qui tentaient de monter à bord, mais heureusement nos gardes armés ont pu les en empêcher».

Sur les 22 personnes à bord du Magic Seas, 17 étaient philippins, selon le Département philippin des travailleurs migrants.
Les marins philippins représentent jusqu'à 30% de la force maritime commerciale mondiale, ce qui a rapporté près de 7 milliards de dollars, soit environ un cinquième des transferts de fonds effectués vers l'archipel en 2023.
«J'ai perdu le compte du nombre de tirs que nous avons reçus», a affirmé le matelot naviguant depuis plus de 15 ans, mais pour qui la mer Rouge était une première.

Un porte-parole des Houthis, qui ont revendiqué l'attaque, a affirmé plus tard que cinq missiles balistiques et de croisière, ainsi que trois drones, avaient été utilisés lors de l'attaque. L'un d'eux a percé la coque.
«Pendant la fusillade, les visages de ma femme et de mon enfant défilaient devant mes yeux. Je n'arrêtais pas de me demander: comment ils pourront vivre sans moi ?», s'est-il ému. «J'ai cru que j'allais mourir».
«Terrifié»
«Dès que l'inondation a commencé, nous avons décidé d'abandonner le navire», a poursuivi Cocoy. Après avoir embarqué sur le canot de sauvetage, les 22 membres de l'équipage ont attendu trois heures avant d'être récupérés par un porte-conteneurs panaméen.

«C'étaient les heures les plus longues de ma vie», a confié le marin.
Le lendemain, un autre navire, dont l'équipage était majoritairement philippin, l'Eternity C, a été coulé. Quinze des membres de l'équipage sont morts ou portés disparus, dix autres ont été secourus.
Depuis fin 2023, les Houthis ont attaqué au large du Yémen des dizaines de navires qu'ils estiment liés à Israël, affirmant agir par solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza.
L'attaque contre l'Eternity C est la plus meurtrière depuis l'attaque de missile contre le navire marchand True Confidence en mars 2024, qui avait fait trois morts.
Les Houthis, soutenus par l'Iran, ont affirmé début juin avoir «secouru» des membres de l'équipage et les avoir emmenés en lieu sûr, suscitant des accusations d'enlèvement de la part du gouvernement américain.
Le journal d'actualité maritime Lloyd's List a signalé que six marins philippins «seraient pris en otage». Le gouvernement philippin n'a pour l'instant rien confirmé.
«Je suis terrifié pour leur équipage», s'est inquiété le marin du Magic Seas, Cocoy. «Nous avons eu de la chance, car nous avons tous survécu... Je prie pour que de nombreux membres de leur équipage puissent être retrouvés vivants.»
«Ce qui nous est arrivé n'était pas normal», a-t-il ajouté, exhortant les armateurs à trouver des itinéraires permettant d'éviter la mer Rouge. «C'est une expérience que personne ne devrait vivre».