Publicité
L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

L'aventure extraordinaire d'Irma LeVasseur, première médecin francophone au Québec, racontée dans le roman «Irma s’en va-t-en guerre»

Karine Gagnon
Karine Gagnon Photo Stevens LeBlanc
Partager
Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-09-13T23:00:00Z
2023-09-14T15:04:32Z
Partager

Après des années de formation à l’étranger pour se spécialiser en pédiatrie et sa participation à la fondation de l’Hôpital Sainte-Justine, Irma LeVasseur, première femme francophone du Québec à exercer la profession de médecin, s’est lancé un autre défi. En pleine Première Guerre mondiale, elle répond à l’appel du gouvernement de Londres et part combattre l’épidémie de typhus qui sévit en Serbie. La journaliste et écrivaine Karine Gagnon raconte cette épopée extraordinaire et méconnue dans son nouveau roman, Irma s’en va-t-en guerre. 

L’histoire débute en juin 1900. Après quatre années d’études, Irma LeVasseur reçoit son diplôme de médecine de l’Université du Minnesota. Au Québec, elle frappe un mur : les autorités médicales de la province refusent qu’elle exerce sa profession. 

Il a fallu qu’elle se présente devant l’Assemblée législative et qu’une loi privée soit votée pour l’autoriser à pratiquer la médecine au Québec, une province où les besoins étaient criants en pédiatrie. Après des années de pratique, elle part pour la Serbie, seule femme d’un groupe de 12 médecins canadiens, pour soigner des victimes de la Grande Guerre.

Irma LeVasseur, une femme au tempérament de feu qui ne reculait pas devant les défis, a fait preuve de courage et de résilience face aux horreurs de la guerre. Sa forte personnalité et son histoire hors normes ont fasciné Karine Gagnon, qui s’est minutieusement documentée, pendant de longues années, pour écrire ce roman historique vraiment intéressant et inspirant.

Publicité
20 ans plus tard

Vingt ans après avoir écrit son manuscrit initial, qui n’avait pas été publié, Karine Gagnon l’a relu. 

« Quand je l’ai ressorti, j’avais 20 ans de plus », commente-t-elle en entrevue. « Il y avait plein de choses que je voulais ajouter et que je comprenais, mais que je ne comprenais pas quand j’étais dans la vingtaine. Je l’ai réécrit à peu près au complet, j’ai ajouté des bouts et tout retravaillé. »

« Irma m’a toujours suivie. Je l’ai revisitée avec mes yeux de femme dans la quarantaine. On dirait que je la comprenais plus encore. »

Accomplissements

Karine Gagnon n’en revient pas de tous les accomplissements d’Irma LeVasseur, une femme visionnaire qui faisait des choses extraordinaires à une époque où les femmes n’avaient pas beaucoup de place dans la société. 

« Tout ce qu’elle a fondé, dans le contexte d’il y a 100 à 125 ans, c’est quand même incroyable. Des portes, elle en a défoncé. C’est fou, quand tu regardes tout ce qu’elle a fait, son parcours, et comment elle pouvait avoir un front de bœuf. Elle a su s’entourer. »

« J’ai découvert qu’elle avait côtoyé toutes les premières femmes médecins : aux États-Unis, en France. Ce sont toutes des pionnières qui s’aidaient entre elles ; ça lui a permis de faire son chemin. »

Si Irma n’était jamais partie du Québec pour étudier la médecine au Minnesota, jamais elle n’aurait eu ces opportunités. 

« C’était une jeune femme de 19 ans. S’exiler, à cet âge-là, à l’époque, c’était quand même assez particulier. C’est impressionnant. » 

Publicité

Irma était « un personnage plus grand que nature », ajoute l’autrice. Elle était également visionnaire et prête à se battre pour ses idéaux. 

« Quand elle décide de fonder l’hôpital Sainte-Justine, Montréal est la capitale de la mortalité infantile. C’est fou de penser à ça ! Ils partaient de loin. » 

Partir en Serbie, pendant la Grande Guerre, n’était pas non plus une mince affaire.

Croire en ses rêves

Karine Gagnon trouve que l’écriture de ce roman lui a apporté beaucoup, personnellement. 

« Comment envisager les défis, la confiance en soi, et de croire en ses rêves. Irma, c’est une leçon humaine considérable. Ce n’était pas facile de faire son chemin et d’avoir des aspirations. Moi, j’en ai plein. Je réalise finalement la chance qu’on a et le chemin que ces femmes ont tracé avant nous. » 


♦ Karine Gagnon est chroniqueuse politique et directrice adjointe à l’information au Journal de Québec.

♦ Elle a commencé sa carrière de journaliste en 1995, à Sherbrooke et à Drummondville, avant de rejoindre l’équipe du Journal de Québec.

♦ En plus de sa formation de journaliste, elle a étudié le droit et la création littéraire.

EXTRAIT

Photo fournie par les Éditions du Septentrion
Photo fournie par les Éditions du Septentrion

« Le temps est gris et pluvieux. New York, en ce début de mai. Debout sur le pont du SS Philadelphia, qui doit la mener de l’autre côté de l’Atlantique, Irma frissonne. Elle resserre sur elle son long châle noir. Les jambes tremblantes, elle s’avance vers le bastingage de métal blanc pour regarder les gens qui saluent leurs proches. Elle se sent fatiguée après toutes ces heures passées sur le siège peu confortable du train.

Sur le quai, une bonne cinquantaine de personnes sont agglutinées, levant les bras et lançant des au revoir. Des pleurs et des cris portés par le vent s’entremêlent au brouhaha du port. Des hommes aux vêtements noircis s’affairent à transporter des caisses de marchandises et des valises empilées sur des chariots. À quelques mètres d’Irma, une jeune femme blonde agite un mouchoir dans les airs, des larmes perlant sur ses joues. Elle l’observe discrètement et voit qu’un homme posté sur le quai répond à ses adieux. »

Publicité
Publicité

Sur le même sujet