Investir en Russie, une décision responsable?

Julien Corona
Au-delà des sanctions internationales déjà imposées au régime Poutine, est-ce qu'investir en Russie peut être considéré comme un investissement responsable?
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Selon le site de l’Autorité des marchés financiers, on entend par investissement responsable le fait qu’en plus de tenir compte des critères financiers habituels, on intègre des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (critères ESG) dans les décisions d’investissements.
Des acteurs économiques globaux importants, mais également des particuliers, ont déjà commencé à responsabiliser leur rapport financier par rapport aux intérêts russes.
Désinvestissement en masse
De nombreuses multinationales comme Netflix, Coca-Cola, Starbucks et McDonald’s se sont retirées du marché russe.
Visa, Mastercard et American Express ont également suspendu leurs opérations en Russie il y a quelques jours.
Des acteurs énergétiques ont aussi emboîté le pas, comme la britannique BP, qui a cédé sa participation de 20% dans Rosneft, une compagnie pétrolière de l'État russe.
Enfin, les investissements bancaires ont aussi été touchés. JPMorgan, par exemple, a exclu les obligations russes de ces index ESG, diminuant ainsi leur visibilité sur le marché des investissements.
Comment l’application des critères ESG en lien avec la guerre en Ukraine pèse-t-elle dans ces décisions?
Le critère environnemental correspond aux désinvestissements et à la diminution de la dépendance principalement de l’Europe, mais plus généralement de l’Occident, envers l'énergie russe au profit d'autres sources.
Le critère social est quant à lui affecté par la crise humanitaire causée par l’armée russe en Ukraine. Des investisseurs ne veulent pas être associés aux atrocités et potentiels crimes de guerre commis par la Russie.

L’image de paria perçue par la communauté internationale sert aussi le critère de gouvernance. La sécurité de l’investissement n’est donc plus garantie.
«On sait qui est l’agressé, on sait qui est l’agresseur», a expliqué Frédéric Vuillot, spécialiste français de l’économie sociale et solidaire, sur la chaîne BFM Business. «À l’aune du G, la gouvernance, on sait où l’on ne doit pas investir.»
La réponse peut toutefois être vue de manière beaucoup plus simple.
«Les entreprises justifient par les critères ESG des décisions qui s’imposent à elles, car leurs filiales en Russie ne sont plus approvisionnées, que les sanctions financières limitent les possibilités de paiement de ces filiales et qu’il y a une pression de la société civile dans les pays occidentaux pour que les entreprises sortent de la Russie», affirme le professeur au département des sciences économiques de l’UQAM Julien Martin.
Ces entreprises auraient surtout trop à perdre, tant au niveau économique qu’au niveau de l’image et de l’opinion publique, à rester près des intérêts russes.

De tels questionnements pour les entreprises resteront tant que Vladimir Poutine, ses proches ou toute personne associée à ce conflit auront le pouvoir en Russie, et ce, bien après la fin de la guerre, ajoute le professeur.

Quel poids peut-on accorder aux investisseurs particuliers?
«La plupart des particuliers n’ont pas beaucoup de poids et sont pour la plupart peu exposés aux actifs russes, précise M. Martin. En revanche, les particuliers pourraient faire pression sur les gros acteurs financiers (banques, fonds de placement) pour qu’ils modifient leur portefeuille.»
Il faut voir alors ce poids dans l’ensemble des pressions existantes sur ces grandes sociétés et ces intérêts étrangers à désinvestir en Russie.
Ces pressions sont chaque jour plus fortes, même au Québec.
Loto-Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec, la SAQ et Bombardier, pour ne nommer que ceux-là, ont coupé les ponts avec la Russie depuis le début du conflit.