Interdire le cellulaire aux moins de 16 ans?


Sylvain Dancause
Le Journal nous apprenait hier qu’une famille de la Mauricie a lancé une pétition visant à interdire la vente de boissons énergisantes aux moins de 16 ans.
Avec raison, la mère d’un jeune garçon s’inquiétait du fait que des adolescents puissent acheter sans problème ces boissons: «Je suis éducatrice dans une école et de savoir que c’est accessible aux jeunes, ça m’inquiète beaucoup.»
Vous savez ce qui m’effraie davantage que les effets d’une canette de Monster? Ceux du téléphone cellulaire.
La sécurité
À l’origine, c’est en utilisant l’argument massue de la sécurité que les compagnies ont convaincu les parents de la nécessité d’un téléphone pour leurs enfants.
De nos jours, il serait plus approprié d’affirmer qu’il s’agit plutôt d’un ordinateur de poche. Il sert principalement à «gamer», à parcourir les réseaux sociaux ou à regarder des vidéos.
Les experts recommandent un temps d'écran récréatif maximum de deux heures par jour pour les jeunes de 5 à 18 ans. Deux heures par jour, ça fait 3650 heures après cinq ans. Le finissant «raisonnable» aura donc passé l’équivalent de quatre années scolaires devant un écran récréatif lors de la remise de son diplôme d’études secondaires.
Pour un virage santé à l’école
Au ministère de l’Éducation, il existe une Politique-cadre pour une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif. Ainsi, vous ne verrez jamais une boisson énergisante dans une distributrice d’une cafétéria scolaire. Paradoxalement, vous verrez la majorité des jeunes avec un cellulaire à la main.
Les compagnies usent de stratégies efficaces pour créer une dépendance. Et ça fonctionne. Le nombre de jeunes victimes de FOMO (fear of missing out) est hallucinant. Si des adultes ont de la difficulté à gérer leur temps d’écran, vous croyez vraiment que les adolescents sont outillés pour le faire?
Les impacts sur la durée et la qualité du sommeil sont visibles. Nous sommes plusieurs à constater des conséquences négatives sur la concentration, l’humeur et la persévérance lors de la réalisation d’une tâche. On pourrait également ajouter les nombreux cas de comportements inappropriés liés à la sexualité ou encore les problèmes de cyberintimidation.
Notre responsabilité
Selon Desmurget, chercheur en neurosciences, «bien des études montrent les effets délétères des téléphones sur le développement cognitif et émotionnel. En revanche, aucune ne montre que les gamins qui n’ont pas de smartphone ont plus de problèmes d’insertion sociale, de dépression, de suicide, de réussite scolaire ou de sommeil».
Il n’y a pas si longtemps, les enseignants fumaient dans l’école et les élèves dans la cour. On pouvait boire et conduire sans trop se poser de questions. Aujourd’hui, en ce qui concerne le cellulaire, on ne peut pas faire semblant d’ignorer les risques potentiels.
S’il est légitime de vouloir éviter un drame en réglementant la vente des boissons énergisantes aux mineurs, je crois qu’il est plus urgent de mettre fin à l’actuel film d’horreur dans nos écoles.
L’augmentation du nombre de zombies devrait nous faire peur.