Interdiction des cellulaires, civisme et vouvoiement: voici pourquoi la recette du ministre Drainville va échouer


Shophika Vaithyanathasarma
Depuis une semaine, tout le monde parle d’éducation. De la recette «magique» d’un Monsieur Drainville pour ramener le respect à l’école. Qu’on soit d’accord ou pas, je suis fascinée de voir comment on a oublié le vrai problème: l’effritement de la discipline et du civisme dans nos écoles.
Le problème, c’est qu’on a vidé l’école de sa capacité d’agir.
Une direction courageuse appuie les enseignants (qui restent)
La discipline, le respect et le civisme se bâtissent. Les jeunes apprennent par la répétition. Il faut les leur montrer, les faire pratiquer et leur faire comprendre. Ça demande du temps et de la patience. Surtout, ça prend un réseau qui se tient ensemble: parents, enseignants, directions, professionnels.
On a besoin d’un vrai changement de culture. Il faut valoriser les directions qui soutiennent leurs équipes et tiennent tête aux pressions parentales. Mieux encore, pourquoi ne pas créer un indicateur dans le tableau de bord du ministre Drainville pour comptabiliser les directions qui soutiennent leurs équipes? Trop de directions craignent qu’une tâche nuise à leur carrière de direction. Il faudrait que ce soit clair pour les centres de services scolaires: cesser de céder aux plaintes des parents.
Mes ex-collègues m’ont fait comprendre que le civisme peut s’enseigner et se pratiquer comme les maths. Mais dans une classe de 32 élèves, avec un seul adulte... c’est difficile. Ces collègues, comme plusieurs autres, essaient d’inculquer les bonnes valeurs – entre deux leçons de géométrie –, mais la réalité est qu’ils n’ont ni le temps ni l’énergie pour aller en profondeur. Et ce n’est surtout pas en bourrant le contenu du cours de Citoyenneté et culture québécoise que le civisme va se rétablir non plus. Prévoyons de la place dans la grille, si telle est réellement la priorité ministérielle.
Ensuite, parlons des conséquences. Quand un élève manque de respect en classe, que faire? Les enseignants devraient être soutenus quand ils interviennent. Parce que dès qu’un enseignant applique une conséquence, il doit ensuite la justifier, l’expliquer, la documenter... et parfois même se défendre face à une plainte! Quand un parent chiale, la direction doit tenir son bout. Un cadre clair, appliqué partout, même quand ça dérange.
Un élève qui dépasse les limites, que ce soit des insultes à cause d’un cellulaire retiré, ne devrait pas seulement être mis dehors et accumuler les retenues. Il devrait profiter d’un vrai suivi, tant lui que ses parents. Accompagnement, discussion, réparation et retour réfléchi. Et ça, ce n’est pas au prof de tout faire. Il faut des psychoéducateurs et des techniciens en éducation spécialisée (TES) qui peuvent intervenir rapidement. Une conséquence sans suivi, c’est juste une punition.
Les parents
Commencez par appuyer les adultes qui éduquent l’élève. Un élève qui passe ses soirées seul devant des influenceurs plus agressifs que lucides, qui n’a jamais appris à gérer ses émotions ni à dialoguer sans insulter, a besoin de beaucoup plus qu’un code de vie collé sur son agenda perdu dans la deuxième semaine de l’année scolaire!
Il faut le dire: la mission de former au civisme ne peut pas reposer uniquement sur les enseignants. La publicité de notre gouvernement au sujet des parents qui insultent un enseignant devant leur enfant est efficace.
Alors, ma recette magique? Redonner aux écoles les moyens et le courage d’éduquer véritablement.