Inondation: deviendrez-vous bientôt inassurable?

Pierre-Olivier Zappa
Vos primes d’assurance grimpent en flèche. Et bientôt, certains ne pourront plus s’assurer du tout.
C’est le virage brutal qui se dessine au Québec. Des quartiers résidentiels pourraient devenir inassurables. Des maisons qu’on ne peut ni protéger ni vendre. Des actifs toxiques pour leurs propriétaires.
Le 13 juillet, à Montréal, il a suffi d’une heure pour tout inonder. À Saint-Léonard, plusieurs résidences ont été frappées pour une deuxième, voire une quatrième fois en quelques années.
Les infrastructures municipales, à bout de souffle, ne tiennent plus le coup dès qu’un orage éclate. Les sinistrés n’en peuvent plus. Et les assureurs non plus.
Une facture qui déraille
Les chiffres sont inquiétants au pays. L’an dernier, les catastrophes naturelles ont coûté 8,5 milliards de dollars aux assureurs. Un record.
À cela s’ajoutent 24 milliards de pertes non couvertes, payées par les familles, les villes et les gouvernements. Résultat: une facture totale de 32,5 milliards $.
Depuis 2019, les réclamations pour dommages ont explosé. Leur fréquence a plus que doublé. Leur coût a bondi de 485%. Sans surprise, les primes suivent. En 2024, Intact a haussé ses tarifs de 9%. Et d’autres assureurs font de même.
Mais l’enjeu dépasse les hausses de prix.
Vendre devient un casse-tête
De plus en plus de secteurs résidentiels deviennent à haut risque. Au Québec, Desjardins refuse désormais d’octroyer des prêts hypothécaires pour les propriétés exposées à plus de 5% de risques d’inondation.
C’est une tendance lourde. Aux États-Unis, des assureurs ont carrément abandonné certains États. Ce qui semblait impensable ici pourrait devenir notre nouvelle réalité.
Pour les propriétaires sinistrés, ce n’est pas qu’une question d’eau et de boue. C’est une perte de valeur. Quand une maison est déclarée à risque, il faut le mentionner lors de la revente. L’assurance est plus difficile à obtenir, parfois même refusée. Et le prix de l’immeuble chute.
On achète un refuge. On hérite d’un fardeau.
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On sait quoi faire
Les solutions existent. Mais elles tardent. Moderniser les infrastructures. Freiner les constructions dans les zones vulnérables. Informer les populations à risque. En 2019, Justin Trudeau promettait un programme national d’assurance abordable contre les inondations. Six ans plus tard, toujours rien.
Déjà, les Canadiens paient davantage que presque tous les pays du G7 pour assurer leur maison. 1,23% du PIB y est consacré, presque le double de la moyenne, selon l’Institut C.D. Howe.
Et pour les familles, la pression est réelle. Depuis cinq ans, 10 000 campagnes GoFundMe ont été lancées pour réparer des dégâts causés par des catastrophes naturelles. À ce rythme, l’assurance habitation ne sera plus un droit. Ce sera un luxe. Un filet de sécurité qui se déchire à chaque orage.
Peut-être serait-il temps de revoir nos priorités. De puiser dans le fameux Fonds vert, par exemple. Pas pour financer du rhum Captain Morgan «carboneutre» ou des ailettes sur les avions d’Air Canada. Mais pour accélérer la réfection d’infrastructures urbaines qui datent d’un autre siècle.
Le 13 juillet, à Montréal, deux policiers ont plongé sous un viaduc submergé pour sortir un homme de 82 ans coincé dans sa voiture. Un sauvetage in extremis, dans un secteur qui inonde trop souvent... sans qu’on y remédie.
On est rendus là. À repêcher nos aînés dans des flaques devenues mortelles.
Des chiffres qui parlent
- 2024: 8,5 milliards $ en dommages assurés
- +9% du prix de l’assurance
- +485% du coût des réparations depuis cinq ans