«Influenceur de la haine»: peine cinq fois plus élevée pour un néonazi montréalais
La Couronne et la défense suggéraient trois mois de prison, mais cela aurait été une «sentence bonbon» a dit le juge

Michael Nguyen
Un « influenceur de la haine » qui appelait à s’en prendre aux Juifs et qui espérait obtenir une sentence bonbon a appris à la dure que le juge n’allait pas badiner avec un tel crime : il lui a plutôt imposé une peine cinq fois plus élevée que celle requise par la poursuite, soit 15 mois de prison.
• À lire aussi: Coupable d'avoir fomenté la haine envers les Juifs: un néonazi montréalais s'excuse et espère la clémence
• À lire aussi: Musée de l’Holocauste de Montréal: l’IA pour rappeler les horreurs nazies
« Il a agi d’une manière réfléchie [...] afin de répandre ses messages haineux. Il avait pour but de désensibiliser à la violence. Il s’est attaqué aux valeurs québécoises et canadiennes, les discours de haine n’ont pas leur place dans le monde », a tonné le juge Manlio Del Negro, ce vendredi au palais de justice de Montréal.
Gabriel Sohier-Chaput, un Montréalais de 36 ans qualifié « d’influenceur de la haine », était pourtant convaincu qu’il s’en sortirait à bon compte pour ses crimes commis en 2016 et 2017.
Haine facile en ligne
À l’époque, le néonazi était en quête de validation, si bien qu’il a plongé les deux pieds dans des chambres d’écho où des gens comme lui parlaient de nazisme. Caché sous le pseudonyme Zeiger, il s’est alors mis à écrire pour le Daily Stormer, un site très populaire auprès d’une branche de l’extrême droite américaine.
« Il s’est senti valorisé et flatté dans son intellect, a dit le juge. Il développe rapidement un sentiment d’appartenance qu’il a rarement connu. »
Et cela avait poussé Sohier-Chaput à écrire de nombreuses publications, dont une qui lui a valu d’être déclaré coupable d’avoir fomenté la haine.
« On doit s’assurer qu’aucun guerrier de la justice sociale ou Juif ne puisse rester à l’abri d’être choqué. Du nazisme non-stop, partout, jusqu’à ce que toutes les rues soient inondées des larmes de nos ennemis », pouvait-on lire sous le pseudonyme Zeiger.
Sohier-Chaput avait tenté de faire passer le tout pour de l’humour, mais le juge n’avait pas mordu à l’hameçon et l’avait déclaré coupable d’avoir fomenté la haine. Et ce vendredi, le magistrat a rappelé l’impact que l’internet pouvait avoir sur la propagation de la haine.
« Les réseaux sociaux représentent un moyen facile et économique pour répandre les idéologies haineuses », a rappelé le juge en rappelant que les fomenteurs de haine avaient le tour pour « exploiter les frustrations et sentiments des jeunes ».
Pas de « bonbon »
Le juge a ensuite fustigé ceux qui « banalisent la souffrance des victimes de l’Holocauste et de leurs proches », tout en appelant à « lutter contre le fléau de la haine ».
Ainsi, même si tant la Couronne que la défense estimaient que le crime valait trois mois de prison, le juge en a décidé autrement. Il s’agit d’une décision rare, puisque de façon générale, les magistrats sont liés par ces « suggestions communes ».
« Ça pourrait laisser croire que [Sohier-Chaput] écope de la proverbiale “sentence bonbon” qui ferait perdre confiance dans le système de justice », a affirmé le juge.
En plus des 15 mois de prison, il a imposé à Sohier-Chaput une probation de trois ans, pendant laquelle il lui sera interdit d’aller sur les réseaux sociaux, de publier des écrits en ligne ou de se tenir avec des gens qui fomentent la haine.
« Le juge a fait preuve de courage, il a envoyé le message que la montée de la haine en ligne a des conséquences », a commenté Eta Yudin, la vice-présidente de la section québécoise du Centre consultatif des relations juives et israéliennes.
Me Antonio Cabral de la défense a déjà annoncé qu’il porterait la sentence en appel.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.