Inflation: les entreprises profitent, les ménages épongent
Agence QMI
En haussant les taux d’intérêt afin de provoquer un ralentissement économique, la Banque du Canada favorise les milieux financiers et fait porter aux ménages canadiens le poids économique de la lutte contre l’inflation.
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Tandis que l’inflation a atteint 8,1 % en juin, son niveau le plus élevé depuis 30 ans, les profits des entreprises canadiennes ont augmenté de plus de 10 % au cours de la dernière année.
«La hausse du taux directeur n’aura pas d’effet direct sur la flambée des prix du pétrole ni sur l’appétit des grandes entreprises pour des profits élevés. Non seulement la stratégie actuelle de la Banque du Canada ne s’attaque pas aux causes fondamentales de l’inflation, mais elle pourrait être contre-productive si elle cause un ralentissement de l’économie. Ce seront avant tout les travailleuses et les travailleurs qui feront les frais d’une telle approche. Le chômage qui résulterait d’un recul de l’activité économique serait catastrophique pour les ménages canadiens», a alerté Pierre-Antoine Harvey, chercheur associé à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans un rapport publié jeudi.
«L’inflation actuelle devrait plutôt être perçue comme un signal supplémentaire de la nécessité d’accélérer la transition énergétique, de lutter contre la concentration improductive des richesses et de réviser à la baisse certains tarifs régressifs», a dénoncé dans son document l’IRIS.
En effet, 54 % de l’inflation s’explique par l’augmentation des coûts de transport. La hausse annuelle moyenne de 28 % du prix de l’essence explique à elle seule 44 % de l’inflation excédentaire directe.
Les entreprises gagnantes de la crise
«Contrairement aux ménages, dont les salaires stagnent, les entreprises semblent avoir largement profité du contexte d’inflation pour majorer leurs prix. Cette manœuvre leur aurait permis d’engranger des profits records tout en contribuant à l’accélération de l’inflation», a souligné Guillaume Hébert, chercheur à l’IRIS.
Une vision que ne partage cependant pas la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
«C’est couper les coins ronds que de dire que l’inflation profite aux entreprises. Il suffit de parler aux entrepreneurs pour voir comment la situation leur est néfaste, surtout après deux ans de restrictions économiques qui ont fragilisé les PME au point ou seulement 54 % d’entre elles ont retrouvé leurs revenus normaux», a indiqué jeudi par communiqué François Vincent, vice-président de la FCEI pour le Québec.
Pour protéger le pouvoir d’achat, plusieurs mesures pourraient être adoptées par le gouvernement.
L’IRIS prône une augmentation des salaires au niveau de l’inflation, assurant que c’est la mesure la plus efficace pour contrer les problèmes causés par l’augmentation générale des prix.
«Certains craignent que la hausse des salaires contribue à l’installation d’une spirale où l’inflation nourrirait des augmentations de salaire qui entraîneraient à leur tour une inflation élevée sur une plus longue période. Or, l’ajustement des salaires au coût de la vie n’a pas d’effet amplificateur durable sur l’inflation.», soutient le rapport.
La création d’emplois du secteur public dans le domaine de la transition énergétique permettrait quant à elle de réduire la dépendance de la population envers les énergies fossiles et donc de la protéger contre les flambées du prix du pétrole.
Les emplois dans le secteur public pourraient se révéler un filet de sécurité en temps de crise inflationniste.
«La fonction publique n’est pas un fardeau, mais bien un levier économique et social considérable. Les ressources qu’on y consacre doivent être considérées comme un “revenu” plutôt qu’une “dépense”», insiste l’IRIS.
L’institut recommande également aux gouvernements de réduire les tarifs et les prix qu’ils contrôlent tels que les tarifs d’hydroélectricité ou le coût des services de garde.
Enfin l’IRIS suggère de soutenir les municipalités pour qu’elles instaurent la gratuité du transport en commun sur leur territoire.
Ces mesures d’aide pourraient déjà changer la donne pour les ménages canadiens, mais des mesures doivent être mises en place pour limiter la capacité des entreprises d’augmenter exagérément les prix, telles que la surveillance accrue de la concentration des secteurs et la lutte contre les pratiques de concertation sur les prix, assure le chercheur Guillaume Hébert.