«Inexplicable et injustifiable»: un policier suspendu 15 jours pour avoir jeté un morceau du crâne d’un ado dans un ravin
Le sergent Sébastien Plouffe a fait preuve d’«une insensibilité et [d’]un manque d’empathie», selon le tribunal


Laurent Lavoie
Un policier de la Sûreté du Québec qui a jeté dans un ravin un morceau du crâne d’un ado mort dans un accident de moto s’en tire avec une suspension de 15 jours sans solde, malgré un comportement «à la fois inexplicable et injustifiable».
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«Un tel geste dénote une insensibilité et un manque d’empathie, note le juge administratif Benoit Mc Mahon, du Tribunal de déontologie policière. Il suggère une absence de conscience professionnelle.»
Dans sa récente décision, le juge Mc Mahon dit avoir été incapable de s’appuyer sur une cause semblable à celle du sergent Sébastien Plouffe pour trancher, car on n'a jamais vu un tel dossier.
«Ses inconduites sont troublantes et doivent être dénoncées, car elles jettent le discrédit sur sa fonction et sur la réputation de son corps de police», indique-t-il.
En octobre 2021, Thommy Whissell a chuté d’une moto sur la route 323, à Saint-Émile-de-Suffolk, en Outaouais, avant d’être frappé par un véhicule de remorquage.

Sa mère, Nathaly Rivard, et son conjoint s’étaient présentés sur les lieux quatre jours plus tard, notamment pour retrouver le cellulaire de l’adolescent de 14 ans.
Plusieurs résidus de la collision jonchaient le sol, dont un fragment du crâne de Thommy.
Après un appel au 911, le sergent Plouffe était intervenu sur la scène. Nathaly Rivard avait alors vivement reproché aux policiers leur manque de minutie.
Dans le ravin
L’agent aurait froidement répliqué qu’il ne s’agissait pas d’une scène de crime et que le morceau de crâne ne servirait pas pour des analyses médico-légales, selon Mme Rivard.
Les événements qui ont suivi semblent d’ailleurs avoir été alimentés en partie par de la «vengeance» chez Sébastien Plouffe, souligne le tribunal.
Le sergent avait quitté les lieux et s’était aventuré sur un petit chemin, plusieurs kilomètres plus loin. Il a marché, puis a jeté le morceau de crâne dans un ravin.
Jamais le policier, qui compte 19 ans d’expérience, n’en a fait mention dans son rapport d’activité quotidien.
«Il n’a pas contacté la morgue, le centre hospitalier ou l’enquêteur au dossier avant de disposer du fragment de crâne. Il a également décidé de ne pas l’entreposer au poste de police», souligne le jugement.
Des vérifications internes ont été réalisées à la SQ après que la maison funéraire a contacté Nathaly Rivard au sujet du fragment manquant, afin de prévoir l’incinération de l’ado.
Plusieurs policiers ont dû être déployés pour ratisser le secteur et finalement retrouver le fragment, une semaine plus tard.
«Trop clémente»
Au même titre que Nathaly Rivard, le juge Benoit Mc Mahon estime que la suggestion commune des parties de 15 jours de suspension est «trop clémente».
Néanmoins, elle n’est pas «à ce point dissociée» de l’ensemble des circonstances du dossier pour que le public puisse croire que «le système de justice a cessé de bien fonctionner».
La mère de Thommy Whissell, qui cherche toujours à faire son deuil, n’est pas de cet avis.
«Il va avoir deux semaines de congé et la vie continue. Comment je fais pour retrouver confiance en mon système de justice? s’interroge-t-elle. C’est ridicule.»
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