Inde: cinq morts dans des heurts après la destruction d'un site islamique
Agence France Presse
Cinq personnes ont été tuées en Inde et des dizaines d'autres blessées lors de heurts confessionnels après la destruction jeudi d'une école coranique et d'un lieu de prière islamique, ont annoncé vendredi les autorités.
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Les groupes nationalistes hindous ont été encouragés dans leur campagne contre les édifices religieux musulmans depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi il y a dix ans.
Les affrontements se sont produits dans le district de Haldwani, dans l'Uttarakhand (nord), après la décision des autorités de raser jeudi une école coranique et un site de prière attenant, affirmant qu'ils avaient été construits sans autorisation.
La police a indiqué avoir tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui jetaient des pierres aux forces de l'ordre.
Cinq personnes ont été tuées dans les affrontements a déclaré à l'AFP une responsable locale, Vandana Singh.
Auparavant, elle avait expliqué à la presse que des dizaines d'autres personnes étaient soignées dans «divers hôpitaux», assurant que «la police a reçu l'ordre de tirer à vue sur les émeutiers».
Des policiers figurent parmi les blessés, a-t-elle ajouté, précisant que des véhicules ont été incendiés.
Des images vidéo diffusées sur les réseaux sociaux ont montré des habitants hindous scandant des slogans anti-musulmans et jetant des pierres sur la foule.
Après ces incidents, les services internet ont été coupés par les autorités locales, qui ont également décrété un couvre-feu ainsi qu'une fermeture des écoles et interdit les rassemblements.
Les forces de sécurité ont reçu des renforts depuis d'autres parties de l'État, ont indiqué les autorités.
Selon le chef du gouvernement de l'Uttarakhand, Pushkar Singh Dhami, le gouvernement punira quiconque sera reconnu coupable d'avoir participé aux incidents.
«Quiconque tente de troubler la paix ne sera pas épargné», a-t-il averti vendredi sur les réseaux sociaux.
Une campagne de longue date
Ces émeutes interviennent dans un contexte de tensions religieuses croissantes depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 de M. Modi, marquées notamment par des destructions de sites musulmans.
Dans ce pays de 1,4 milliard d'habitants où l'hindouisme est largement majoritaire, la minorité musulmane, qui compte environ 210 millions de personnes, est de plus en plus inquiète.
Le parti Bharatiya Janata Party (BJP) de Narendra Modi est favori pour remporter une troisième victoire consécutive aux élections législatives d'avril.
La campagne menée de longue date par les nationalistes hindous pour remplacer plusieurs mosquées d'importance par des temples hindous connaît un regain.
Le 22 janvier, dans un geste symbolisant le triomphe de sa politique, M. Modi a inauguré à Ayodhya (Uttar Pradesh, nord) un temple hindou sur le site d'une mosquée démolie par des fanatiques hindous en 1992.
À l'époque, cette destruction avait déclenché les pires émeutes religieuses dans le pays depuis l'indépendance, faisant environ 2 000 morts.
Dans l'Uttarakhand, les tensions ont été avivées par l'adoption mercredi d'un nouveau Code civil unifié qui abolit les lois religieuses gouvernant le mariage, le divorce et l'héritage.
Ce Code civil, appelé à être généralisé à l'échelle nationale, compte parmi les engagements clés du parti de M. Modi.
Des groupes musulmans dans tout le pays ont dénoncé ce nouveau Code, l'accusant de porter atteinte à leur liberté religieuse.
Dans plusieurs États dirigés par le BJP, les autorités ont également été accusées de démolir de manière sélective des maisons, commerces et lieux de culte musulmans.
Un tribunal a aussi autorisé fin janvier des fidèles hindous à prier à l'intérieur d'une mosquée située à Varanasi (ancienne Bénarès), l'un des sujets de désaccord religieux les plus épineux du pays.
Également fin janvier, les autorités ont également détruit une mosquée vieille de quelque 600 ans à New Delhi, la mosquée Akhonji, au motif qu'elle avait été construite «illégalement» dans une réserve forestière.
Et à Bombay, la capitale financière du pays, les autorités ont démoli plusieurs commerces musulmans deux jours après des heurts interconfessionnels survenus à la veille de l'inauguration du temple d'Ayodhya.