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L'article provient de Le Journal de Québec
Politique

Immigration: Legault doit faire preuve de nuance, estime une sociologue

Photo Martin Chevalier
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Gabriel Côté

2022-09-21T12:12:38Z
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François Legault devrait être plus précis et faire preuve de davantage de nuance lorsqu’il évoque l’exemple de pays européens pour illustrer la difficulté d’intégrer les nouveaux arrivants à la société québécoise, selon une spécialiste de l’immigration. 

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Le premier ministre sortant a évoqué «ce qui se passe en Suède et en Allemagne» dimanche dernier, pour insister sur le défi que représente l’intégration des immigrants.

Invité à mettre au clair ce qu’il entendait par là, François Legault a invité les journalistes à «aller lire un peu», ajoutant qu’il n’allait pas «commencer à commenter ce qui se passe en Suède et en Allemagne».

Qu'a lu François Legault ?

L’utilisation de ces exemples fait sourciller Annick Germain, professeure spécialisée en sociologie urbaine et en immigration à l’Institut national de recherche scientifique (INRS).

«Ce serait une bonne idée de demander à François Legault ce qu’il a lu, lance-t-elle en entrevue. Parle-t-il d’articles de journaux, ou encore de rapports statistiques?»

Mme Germain convient que plusieurs pays européens font face à d’importants défis quand vient le temps d’intégrer les nouveaux arrivants. Mais elle souligne également que le Québec n’est pas près de se trouver dans une situation comparable, du fait des politiques migratoires qui sont très différentes au Canada et en Suède.

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«Au Québec, on a principalement une immigration sélectionnée, explique-t-elle. En Suède, c’est une immigration tout à fait différente : il y a beaucoup plus de demandeurs d’asile, c’est-à-dire des populations plus vulnérables et habituellement moins scolarisées. Ici, les statistiques montrent au contraire qu’en général, nos immigrants sont plus scolarisés que les non-immigrants.»

Par ailleurs, l’esprit des politiques migratoires européennes diffère grandement de ce qui se passe au Québec. «Nous sommes dans une dynamique où on cherche à attirer des immigrants. En Europe, plusieurs pays essaient plutôt de fermer la porte, parce que trop de gens se pressent pour y entrer (...). Il y a aussi eu des vagues de demandeurs d’asile là-bas, ce qui n’est pas le cas ici.»

Intégration

Mais n’y a-t-il pas tout de même un risque que ce qui s’est produit dans certains pays européens ait lieu au Québec si l’on n’est pas vigilants?

Annick Germain estime que non, en raison de la pression exercée par le milieu où sont accueillis les nouveaux arrivants.

«À Montréal, où se concentrent à peu près les trois quarts des immigrants qui arrivent au Québec, on n’observe pas de ségrégation raciale très forte entre immigrants et non-immigrants, ni de concentration ethnique tout court dans certains quartiers, contrairement à la situation de plusieurs pays européens», a souligné la professeure à l’INRS.

Le milieu où doivent s’intégrer les immigrants est ainsi plus diversifié qu’ailleurs, et cette diversité fonctionne comme un «rempart à la ségrégation», a-t-elle ajouté.

Mais l’intégration demeure malgré tout un défi au Québec, même s’il n’est pas de la même nature ni de la même ampleur qu’ailleurs dans le monde.

Pour Mme Germain, si les nouveaux arrivants ne sont pas victimes de ségrégation au Québec, ils vivent toutefois dans une situation de «cohabitation pacifique, mais distante» vis-à-vis leur société d’accueil une distance qui tend à s’effacer en partie avec le temps.

«C’est sûr que beaucoup d’immigrants au Québec ont de la difficulté à trouver leur premier emploi. Mais généralement, des études montrent qu’après 10 ans ils sont parfaitement intégrés sur le marché du travail», a conclu Annick Germain.

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