Immigration: le Canada répond «in English only»
Un service partenaire du fédéral exige même qu’une requête en français soit refaite en anglais

Valerie Lesage
L’avocate en immigration Gabrielle Thiboutot n’en revenait pas: un service partenaire du gouvernement du Canada a exigé qu’une requête pour un demandeur de résidence permanente adressée en français soit refaite en anglais pour l’obtention d’une réponse.
«Google translate, ça ne leur tentait pas? Qui a pris le temps d’écrire qu’il ne répondrait pas parce que c’est en français? Au bureau, on n’en revenait pas! On se demandait si c’était une blague... mais non!», se désole l’avocate du cabinet Exeo devant ce mépris du droit à être servi dans une des deux langues officielles du Canada.
Le 28 mars dernier, Me Thiboutot a écrit au Centre de réception des demandes de visa canadien en Arabie saoudite, dans le cadre de démarches d’obtention d’une résidence permanente au Canada. Elle accompagnait son client d’origine française depuis deux ans vers cet objectif. Toutes les communications au dossier avaient été faites en français jusque-là.
Le 31 mars, une réponse en anglais lui est parvenue, disant ceci : «En référence à votre courriel, veuillez gentiment nous envoyer votre requête en anglais afin que nous puissions vous aider.»
À la fin, l’employé du centre de services écrit : «Dans nos efforts constants pour améliorer le niveau de satisfaction des clients, nous vous prions de nous faire parvenir votre précieuse rétroaction sur la réponse transmise.»

Gabrielle Thiboutot a ri jaune.
«Nous avons répondu par un courriel assez cinglant, envoyé à des gestionnaires assez haut placés, car on ne comprenait pas la requête d’écrire en anglais. En tout temps, on devrait pouvoir être servis en français!»
Pas d’excuses
Il n’y a jamais eu d’excuses formulées par la suite. L’avocate, qui en raison de l’exigence de l’anglais, a dû effectuer du travail en surplus pour réécrire à l’ambassade, puis à des agents de liaison, a constaté plus tard que le dossier avait été transféré à Ottawa, où il s’est finalisé dans sa langue maternelle. Le client français de Me Thiboutot a finalement été accueilli comme résident permanent au Canada.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, de qui relève les centres de réception des demandes de visa, n’avait pas donné de réponse à nos questions au moment de mettre sous presse.
- Écoutez l'entrevue avec Jean-François Roberge, ministre responsable de la langue Française et ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne à l’émission de Mario Dumont via QUB radio :
Même si une exigence de formuler une requête en anglais est une expérience rare, Gabrielle Thiboutot considère que ça ne devrait jamais arriver au Canada. Dans sa pratique, il s’agit d’un irritant supplémentaire dans un contexte où les francophones sont de plus en plus défavorisés.
«Je suis découragée parce que des fois, c’est la maison des fous... Pour les étudiants francophones, le fédéral les refuse à 47%, alors que le Québec les a acceptés! Nous, on gère aussi les émotions de nos clients qui nous ont fait confiance», dit-elle, ajoutant que les procédures d’appel sont longues et coûteuses, tellement que plusieurs n’ont pas les moyens d’y accéder.