Kfir, la flamme arrachée à la vie


Yasmine Abdelfadel
Kfir, petit Kfir,
Aujourd’hui, ton corps sera enfin rendu à ta famille. Mais il ne devrait pas en être ainsi. À 10 mois, tu aurais dû être bercé par ta mère, entouré d’amour, protégé du monde et de ses horreurs. Au lieu de cela, tu as été arraché à la vie par une sauvagerie qui dépasse l’entendement.
Depuis le 7 octobre, ton nom a traversé le monde. Tes cheveux roux et ton sourire ont fait le tour de la planète. On t’a vu sur des affiches, dans des manifestations, dans les prières de millions d’inconnus qui espéraient, priaient tous les dieux, que tu sois encore en vie. Mais la vérité est tombée comme une pierre: ils t’ont tué. Toi, un bébé.
Il n’y a pas de mots assez forts pour dire l’indicible. Pas de colère assez grande pour traduire l’injustice. Pas de larmes assez nombreuses pour laver le sang versé. Il ne reste qu’un silence assourdissant, celui d’un monde qui regarde, impuissant, des enfants mourir sous les balles et les bombes. Des enfants massacrés... au nom de quoi au juste?
On voudrait se dire que ce n’est pas possible, que l’humanité a des limites, qu’il y a des lignes qui ne seront jamais franchies. Mais elles l’ont été. Encore. Comme trop souvent. Et toi, Kfir, tu rejoins cette liste maudite d’innocents assassinés. Assassinés à cause de la religion de leurs parents ou la malchance d’être nés sur la mauvaise terre.
On parlera de toi pendant un moment. On dira ton nom dans des discours. On affichera ton visage sur les écrans. Puis, la fureur retombera, l’oubli viendra, et le monde continuera de tourner. Mais pas pour ta famille. Pas pour ceux qui t’aimaient. Pas pour ceux qui refusent d’accepter que tuer un enfant puisse devenir un acte de guerre, une stratégie, un détail parmi d’autres.
Kfir, petit Kfir, aujourd’hui, nous sommes nombreux à pleurer pour toi et pour les autres enfants tués dans cette guerre insensée. Mais, on le sait, pleurer ne suffit plus.