Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Ils élèvent leur petite-fille devenue orpheline: de grands-parents à parents, depuis la tragédie de Lac-Mégantic

Le papa et la maman de la petite Millianna ont péri dans le déraillement d'un train qui a détruit le centre-ville en juillet 2013

Valérie Gonthier / JdeM
Partager
Photo portrait de Valérie Gonthier

Valérie Gonthier

2023-06-30T04:00:00Z
Partager

«Maman»: voilà comment Millianna, 11 ans, s’adresse à sa grand-mère, Solange. Il y a 10 ans, la femme alors âgée de 52 ans s’est retrouvée à élever la bambine et est effectivement devenue à ses yeux sa maman.

«C’est une petite fille qui m’est tombée du ciel», lance Solange Bélanger.

Depuis le décès des parents de l’enfant, le 6 juillet 2013, ce sont Mme Bélanger et son conjoint, Claude Chouinard, ses grands-parents paternels, qui prennent soin d’elle. 

La femme a toujours été impliquée dans la vie de l’enfant. Elle était même présente lors de son accouchement. Son fils, Jimmy Sirois, n’était pas le père biologique, il a rencontré la mère, Marie-Semie Alliance, alors qu’elle était enceinte. Mais la petite l’a appelé papa dès qu’elle en a été capable. 

Le soir du drame, Millianna aurait bien pu mourir aux côtés de ses parents, dans leur logement qui a été détruit par le déraillement d’un train. Mais le destin en a voulu autrement: sa grand-mère est venue la chercher pour qu’elle passe la nuit chez elle. À peine âgée de 18 mois, Millianna est devenue orpheline. Mais même si elle connait l’histoire de ses parents, aujourd’hui, la jeune fille considère à nouveau avoir un papa et une maman auprès de qui elle grandit. 

Publicité

«Pour moi, ce sont Solange et Claude, mes parents», laisse tomber la préadolescente de 11 ans et demi.  

Millianna, en 2023, avec celle qu'elle appelle « maman », Solange Bélanger. VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
Millianna, en 2023, avec celle qu'elle appelle « maman », Solange Bélanger. VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI Valérie Gonthier / JdeM

Millianna et Solange Bélanger, en 2014, un an après le drame à Lac-Mégantic. Archives VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
Millianna et Solange Bélanger, en 2014, un an après le drame à Lac-Mégantic. Archives VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI Archives Valérie Gonthier / JdeM

Plus encore, à ses yeux, elle n’a qu’une grand-mère, la mère de sa mère, à qui elle rend parfois visite à Montréal.

Un choix naturel

«Pour nous, c’était naturel de nous occuper d’elle, on n’avait pas le choix», explique Mme Bélanger. 

Pourtant, après la tragédie, la femme était accablée par le décès de son fils, Jimmy, et de sa bru, Marie-Semie, qu’elle avait accueillie à bras ouverts dans sa famille. Mais elle n’a pas eu le temps de se morfondre: Millianna était sa priorité numéro un. Elle est d’ailleurs devenue sa tutrice légale peu après. 

«Je suis retombé père de famille à 54 ans», s’exclame Claude Chouinard. 

1 / 5

Sa conjointe et lui s’étaient empressés de faire une chambre pour la bambine, prenant même le soin de la décorer comme celle où elle dormait dans le logement de ses parents, au centre-ville de Lac-Mégantic. 

Publicité

Au début, Millianna s’ennuyait de ses parents, les cherchait. Mais après quelques mois de cohabitation, elle s’est mise à appeler sa grand-mère «maman». Et Mme Bélanger et son conjoint prenaient soin d’elle comme de leur propre fille.

Lettres au père Noël, souvenirs du passage de la fée des dents, moments importants notés, photos d’anniversaires. Ils ont colligé et documenté dans un petit carnet plusieurs souvenirs d’enfance de Millianna, comme le font de nombreux parents. 

Retour dans la parentalité

«J’ai eu trois garçons, Claude a une fille. Quand on parle de nos enfants, on dit qu’on en a cinq», résume-t-elle. 

Millianna, Solange Bélanger et Claude Chouinard fouillent dans les souvenirs d'enfance de l'enfant. VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI
Millianna, Solange Bélanger et Claude Chouinard fouillent dans les souvenirs d'enfance de l'enfant. VALÉRIE GONTHIER/LE JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI Valérie Gonthier / JdeM

Mais au moment du drame, leurs autres enfants étaient déjà rendus grands. Ainsi, tous deux dans la cinquantaine, ils devaient se replonger dans la parentalité et s’occuper d’une gamine. 

«Il a fallu qu’on se relance dans les rencontres scolaires, les cours, les activités», raconte Mme Bélanger. 

«Je me souviens quand elle a fait son premier spectacle de danse... l’émotion que j’ai eue, c’est indescriptible», ajoute-t-elle.

Pendant des années, l’enfant était un véritable pot de colle, toujours dans les jupes de Mme Bélanger.

«Elle ne voulait jamais me laisser, je devais même souvent aller me coucher avec elle. On sentait qu’elle avait un besoin, qu’elle était bien collée à moi», se souvient-elle. 

C’est pour l’habituer à voir d’autres personnes que la femme et son conjoint lui ont fait faire plusieurs activités, comme la gymnastique, le volleyball ou la natation. Mère de garçons, Solange Bélanger a aussi pris plaisir à chouchouter une petite fille. «Elle a été gâtée pourrie, plus que mes propres gars», s’exclame-t-elle. 

Jimmy Sirois et Marie-Semie Alliance, avec leur fille Millianna. Archives
Jimmy Sirois et Marie-Semie Alliance, avec leur fille Millianna. Archives Courtoisie/facebook

Plus âgés

Mais la décennie qui s’est écoulée depuis le drame les amène maintenant dans la soixantaine. Se sentent-ils épuisés d’avoir à prendre soin d’une jeune fille de 11 ans et demi qui entre dans l’adolescence? 

«Pour la première fois, cette année, j’ai demandé à baisser mes heures au travail», avoue Mme Bélanger. 

La femme travaille depuis plusieurs années dans une usine de fabrication de granit. Son emploi, très physique, la fatigue davantage, remarque-t-elle. 

«Mais je n’ose pas arrêter de travailler tout de suite, Millianna a besoin de choses», dit-elle.

Après 34 ans comme chef mécanicien, son conjoint a récemment pris sa retraite. 

«Je commence à manquer de gaz», dit-il.

Malgré tout, il s’estime encore bien en forme pour s’occuper de sa famille, mais est conscient des années qui passent.

«J’espère qu’on va survivre jusqu’à ce qu’on puisse lui offrir ce dont elle a besoin, jusqu’à ce qu’elle puisse voler de ses propres ailes», conclut-il. 

Publicité
Publicité