Nos dirigeants d’entreprises doivent connaître notre langue, mais aussi nos valeurs

Tout d’abord, je tiens à remercier le président-directeur général d’Air Canada, Monsieur Michael Rousseau, pour sa franchise et sa fierté d’être unilingue anglais au Québec et ce, malgré ses origines francophones, une conjointe francophone et une résidence depuis 14 ans sur la Rive-Sud de Montréal. Après tout, la compétence de l’usage de la langue française n’est plus exigée depuis longtemps pour les sièges sociaux des compagnies internationales montréalaises, que ce soit pour la Caisse de dépôt et placement, Couche-tard ou CGI.
Quel choc! Mais surtout une prise de conscience collective que la compétence linguistique du français au Québec a une valeur secondaire dans le monde des affaires. Surpris? Pas vraiment!
Complexe d’infériorité linguistique
Michael Rousseau est aussi un bouc émissaire facile. Il est le reflet de notre complexe d’infériorité qui vise à cacher trop souvent notre identité en tant que francophone pour plaire à tout prix, quitte à effacer nos origines jusqu’à l’assimilation, comme c’est son cas. En effet, nous nous donnons trop souvent la mission de démontrer à tous que nous pouvons bien nous exprimer dans la seule langue qui
rapporte de l’argent, l’anglais. Nous insistons après tout pour que nos enfants comprennent cet enjeu et deviennent bilingues, parce que leur future carrière en dépens. Vrai ou faux? Que pouvons-nous faire après ce constat cruel, mais bien réel de la déchéance du français au Québec?
Nos valeurs
Tout d’abord, je suggère de lier la compétence linguistique aux valeurs civiques. En effet, si les Québécois acceptent collectivement de payer plus de taxes et d’impôts, c’est qu’ils réalisent que leurs valeurs sociétales, leur nationalisme de survie, n’est pas seulement une affaire de langue ou de culture, mais aussi un nationalisme identitaire de solidarité.
Il faudrait exiger que cette compétence devienne incontournable pour quelqu’un qui désire vivre au Québec. Que ce soit dans les postes de dirigeants d’entreprises ou dans la fonction publique fédérale. Par la suite, nous devrions y joindre une compétence civique, soit la capacité non seulement de communiquer avec la communauté francophone environnante, mais aussi de connaître son histoire et ses valeurs.
Identité nationale
La différence québécoise n’est pas seulement d’ordre linguistique ou culturel, mais elle a aussi ses valeurs sociales-démocrates et laïques depuis la Révolution tranquille. À l’instar des pays nordiques (Suède, Norvège, Danemark et Finlande) nous tenons à l’égalité des hommes et des femmes, c’est pourquoi nous avons implanté avant les autres provinces, un système de garderies et de congés parentaux et adopté une loi sur la laïcité de l’État. Nous avons également innové en créant des programmes pour soutenir les personnes victimes de maladies ou d’accidents, telles l’assurance-médicaments et l’assurance-accidents. Avec sa taxe carbone, le Québec est aussi la province la plus innovatrice en matière de lutte aux changements climatiques.
Nos valeurs civiques sont profondément liées à notre identité nationale et à notre instinct de survie linguistique. Espérons que le prochain cours de culture et citoyenneté québécoise sera adapté aux futurs dirigeants d’entreprise au Québec pour qu’ils deviennent une compétence civique incontournable liée à l’apprentissage du français.

Jean Baillargeon, Expert-conseil en communication stratégique,Québec