Il y aura de plus en plus de procès au civil pour agressions sexuelles


Josée Legault
Le verdict de la juge Maria Carroccia acquittant les cinq ex-joueurs d’Équipe Canada junior accusés d’avoir agressé sexuellement une jeune femme en 2018 dans une chambre d’hôtel n’étonne malheureusement guère.
S’il est sage de laisser les analyses plus juridiques aux experts, il n’en reste pas moins que sur le plan social, ce verdict ne sera pas sans effets négatifs.
En qualifiant le témoignage de la plaignante de «ni crédible ni fiable», le jugement confirme un triste constat déjà fait par de nombreuses femmes.
Soit que pour les agressions sexuelles, le système judiciaire au criminel, parce qu’il exige une preuve hors de tout doute raisonnable, n’est pas adapté à ce qui constitue pourtant, de par sa nature même, des crimes sans témoins.
Cette exigence faite aux victimes alléguées de présenter au criminel une preuve bétonnée les enferme dans le rôle impossible de «victime parfaite».
La victime dite «parfaite» est celle qui, malgré qu’elle ait subi une agression traumatisante, livrerait néanmoins un témoignage sans trou de mémoire ni contradiction ou incohérence. Sans quoi, elle ne sera pas crue.
Le mouvement #Metoo en est d’ailleurs né. Plusieurs femmes lui préférant une dénonciation publique.
Fardeau de la preuve
D’où aussi les neuf femmes qui, accusant Gilbert Rozon pour agression sexuelle, se sont tournées vers un procès au civil.
Contrairement à ce qu’affirme l’empereur déchu du rire, elles ne l’ont pas fait par cupidité mercantile, mais parce qu’au criminel, le fardeau de la preuve pour ces crimes sans témoins s’avère souvent trop lourd.
La réalité est en effet qu’elles sont en quête de justice. C’est pourquoi l’on peut s’attendre à ce qu’il y ait de plus en plus de procès au civil intentés par des victimes alléguées d’agression sexuelle.
N’oublions pas non plus que le système de justice, nonobstant la nature du litige, est également inaccessible à la vaste majorité sur le plan financier. C’est une iniquité flagrante. Particulièrement pour les femmes.
Au Québec, même s’il y a des avancées réelles avec la création de tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, le fléau des violences contre les femmes, ici comme ailleurs, perdure.
L’effet de ressac contre le mouvement #Metoo alimenté par des influenceurs masculinistes – mais entendu aussi de la bouche d’un Gilbert Rozon, qui s’en est dit la grande «victime» – s’entend jusque dans les écoles.
Radicalisation en ligne
La télésérie britannique Adolescence sur la radicalisation en ligne masculiniste et meurtrière d’un ado l’illustre tellement bien qu’elle sera diffusée dans les écoles secondaires du Royaume-Uni. Pourquoi pas ici?
Dans Le Devoir du 19 juillet, un père dont la fille a été violée s’est aussi adressé aux parents de jeunes garçons. Ses mots sont d’une rare puissance. Il leur demande de se responsabiliser.
«Certains de vos fils écoutent sur les réseaux sociaux, écrit-il, les paroles d’hommes dangereux et malades qui se qualifient eux-mêmes de mâles alpha; des hommes qui leur conseillent de battre et de soumettre nos filles.»
Les violences sexuelles font partie de cette même «soumission» fantasmée.
On croirait presque entendre l’histoire de jeunes hommes s’enfermant à plusieurs dans une chambre avec une jeune femme seule. La même qu’un tribunal, un jour, ne croira peut-être pas...