Il y a 40 ans, Reagan et Mulroney chantaient ensemble à Québec
Le Shamrock Summit a marqué l’histoire en jetant les bases du libre-échange


Mathieu-Robert Sauvé
Il y a 40 ans se tenait, au Grand Théâtre de Québec, un sommet Canada–États-Unis qui allait marquer l’histoire des deux pays en raison de l’amitié entre les chefs d’État Ronald Reagan (1911-2004) et Brian Mulroney (1939-2024).
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«Cette rencontre placée sous le signe de l’Irlande, en raison des origines familiales des deux hommes, a culminé au spectacle de clôture quand ils ont entonné ensemble When Irish Eyes Are Smiling, une chanson traditionnelle aussi connue pour les Irlandais qu’Alouette, gentille Alouette, pour nous», commente l’historien Xavier Gélinas, du Musée canadien de l’histoire, à Gatineau.
Tout était en place pour une grande bromance entre Reagan et Mulroney. Le sommet du Trèfle (Shamrock Summit) inaugure la période la plus positive de l’histoire en temps de paix entre le Canada et les États-Unis.

Des rapports plus chaleureux
L’expert de l’histoire du fédéralisme canadien rappelle que ce sommet binational faisait suite à des années de froidure entre les deux pays, le précédent premier ministre canadien, Pierre-Elliott Trudeau, ayant souvent tourné le dos à ses imposants voisins.
«Après avoir rapatrié la Constitution, Trudeau s’est donné pour mission de travailler pour la paix mondiale et d’encourager la dénucléarisation, ce qui avait été perçu comme une provocation par le gouvernement américain.»
Quand Mulroney est élu, une de ses priorités sera d’adoucir les rapports Canada–États-Unis. Le sommet de Québec, qui se tient la fin de semaine de la Saint-Patrick, patron des Irlandais, va marquer les esprits non seulement au Canada mais sur la planète entière.
On peut presque dire que c’est le chant final du gala, qu’on peut encore entendre sur internet, qui en représente le tournant.
«Les deux hommes s’entendent à merveille et leurs femmes aussi. Ils portent tous deux une idéologie conservatrice et ont à cœur une bonne entente nord-américaine», reprend M. Gélinas. Mulroney, entre autres, aimait beaucoup chanter et il s’était donné à fond dans son interprétation de la chanson.




«Poison électoral»
Pour le professeur Robert Bothwell, de l’Université de Toronto, «le sommet de Québec change tout. Jusqu’en 1985, le libre-échange avec les États-Unis est considéré comme un poison électoral au Canada qui serait englouti par les États-Unis, des pays plus grands et plus riches».
Le président Reagan était perplexe mais amical et c’est au cours de ce sommet qu’ils ont convenu de tenter le coup. «Les négociations ont été longues et difficiles, mais elles ont finalement abouti à un traité», reprend l’historien.
Ce traité, «que M. Trump veut jeter à la poubelle aujourd’hui», a toujours eu ses détracteurs, mais on reconnaît généralement aujourd’hui qu’il a permis des gains mutuels.
«En tout cas, reprend M. Gélinas, le sommet du Trèfle marque le début d’une entente harmonieuse entre les deux pays pendant une bonne vingtaine d’années.»
