Il n’y a pas de droit autochtone à l’indépendance
Si le Québec devient souverain, il faudra travailler à ce qu’il ait avec les peuples autochtones de meilleures relations que celles qu’ils auront eues avec le régime fédéral


Joseph Facal
Le projet de souveraineté du PQ et les événements en cours en Alberta ramènent à l’avant-scène une vieille question.
On me demande parfois: vous, M. Facal, qui êtes souverainiste, comment pouvez-vous réclamer le droit pour le Québec d’être souverain, mais ne pas reconnaître ce droit aux nations autochtones?
La question est d’emblée mal posée. La souveraineté n’est pas principalement une question de droit.
C’est une question politique qui échappe à la tutelle des tribunaux et relève d’abord d’une démarche fondée sur la volonté démocratique d’une majorité.
Effectivité
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’aspects juridiques en cause. Mais en dernière analyse, il n’appartient pas à une cour de justice ou à une loi de décider à la place de cette majorité de son avenir politique.
Le droit constitutionnel canadien est muet sur l’accession à l’indépendance d’une entité constituante.
Implicitement, cela signifie qu’il faudrait, pour que cette accession soit constitutionnelle, un amendement accepté par les parties, ce qui relève de la science-fiction.
Le droit international, lui, reconnaît bien un droit à l’autodétermination des peuples, mais celui-ci n’inclut un droit à l’indépendance que pour les anciennes colonies des empires coloniaux démembrés.
Les souverainistes québécois n’invoquent pas ce droit puisque c’est le Canada qu’ils quitteraient.
À cette primauté de la volonté démocratique de la majorité qu’ils invoquent, ils ajoutent le principe de l’effectivité, au cœur du droit international.
L’effectivité signifie qu’on donne préséance aux faits, à la situation effective sur le terrain.
Si l’entité qui déclare l’indépendance a un contrôle effectif sur un territoire viable, il revient aux autres pays de décider s’ils reconnaissent ou pas un nouvel État.
C’est ce que disait à sa manière l’avis de la Cour suprême du Canada du 20 août 1998: une déclaration unilatérale d’indépendance du Québec après un blocage des négociations serait laissée à l’appréciation de la communauté des nations.
Dans le cas des autochtones, ni le droit constitutionnel canadien, ni le droit international, ni la Déclaration des Nations Unies de 2007, ni aucune autre convention internationale ne fondent un droit à la souveraineté.
L’autonomie à des degrés variables, oui, l’indépendance complète, non.
Et pour cause: imaginez l’impact potentiel pour des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Brésil, etc., abritant de nombreuses communautés autochtones, souvent minuscules.
Si le Québec devenait souverain, des nations autochtones pourraient-elles cependant être rattachées au Canada? Si le Canada est divisible, le Québec l’est-il?
Pas vraiment.
Tant que le Québec est une province, le droit canadien prévoit que son territoire ne peut être modifié sans son consentement.
S’il devient un pays, c’est le principe uti possidetis juris du droit international qui s’applique: le nouvel État garde les frontières qu’il avait au moment de l’accession à l’indépendance.
Relations
La documentation sur ces questions est immense.
Évidemment, d’autres revendications autochtones gardent toute leur légitimité.
Il faudra aussi travailler à ce que le Québec souverain ait avec ces peuples de meilleures relations que celles qu’ils auront eues avec le régime fédéral.