Il faut plus d’audace à la télé pour fédérer les jeunes, selon les auteurs de «Génération Canal Famille»


Guillaume Picard
Pour intéresser les jeunes à la télé québécoise, il faut très tôt leur proposer des contenus audacieux, irrévérencieux ainsi que de la diversité, ceci afin de contrer les Netflix, TikTok et YouTube de ce monde qui les éloignent de la culture d’ici.
C’est l’avis des auteurs de «Génération Canal Famille», livre qui retrace l’aventure de séries marquantes de la défunte chaîne d’Astral comme «Dans une galaxie près de chez vous», «Radio Enfer» et «Télé-Pirate».
Simon Portelance, 29 ans, et Guy A. St Cyr, 33 ans, ont réalisé 250 entrevues et passé plus de trois ans à plancher sur leur premier bouquin, eux qui sont des héritiers de Canal Famille. Ils ont notamment visionné de vieux VHS et passé des dizaines d'heures à la Médiathèque pour retrouver chaque article portant sur cette période foisonnante en matière de télé jeunesse.
«On a grandi avec Guy Jodoin, Claude Legault, Michel Charette et Bruno Blanchet, et on les suit encore aujourd’hui, on aime voir leurs nouveaux projets», a dit Simon Portelance, pour qui il est important d’intéresser les jeunes à la culture québécoise, une façon de les fédérer autour du français.
La responsabilité des diffuseurs
Selon lui, les diffuseurs ont la responsabilité de proposer des contenus jeunesse locaux. Cela devrait même être vu comme un investissement, dans la mesure où «tu cultives ton auditoire de demain». Si les jeunes d’aujourd’hui regardent surtout des émissions américaines, comment peut-on s’attendre à ce qu’une fois adultes ils visionnent des fictions «made in Québec»? Et doit-on s’étonner qu’ils ne connaissent pas Véronique Cloutier, comme c'était le cas chez les futurs communicateurs étudiant en Art et technologie des médias au Cégep de Jonquière?
«Il faut revoir le modèle de financement pour l’adapter au numérique, il faut promouvoir nos plateformes québécoises numériques, qui, elles, devraient faire plus de contenus jeunesse audacieux. On pourrait aussi assouplir la loi et permettre de la publicité durant les émissions jeunesse, les jeunes en voient partout», a affirmé M. Portelance, qui cite la production «Barbada» d’ICI TOU.TV, qui s'inscrit selon lui dans la «lignée» de Canal Famille. «Il en faut plus, c’est ça qui stimule la créativité, l’ouverture d’esprit.»
Ce n’est pas un manque de fantaisie qui est en cause au Québec. La prise de risques doit venir des diffuseurs.
«Si tu n'es pas capable d’avoir une série à la hauteur de "Stranger Things", qu’est-ce qu'il te reste? Il te reste les textes, l’audace, et l’audace ne coûte rien. Être audacieux, être irrévérencieux, brasser la cage, tu n'as pas besoin d’avoir un budget de 15 millions $ par épisode pour le faire», a dit M. St Cyr.
Il y a peu d’émissions jeunesse dans le paysage québécois pour barrer la route aux GAMAF, les géants numériques Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
«De 2008 à 2018, Radio-Canada a complètement arrêté de faire de la télé jeunesse après les coupes des conservateurs. Télé-Québec a continué puis VRAK l’a fait avant d’abandonner en 2016. Est-ce qu’on se surprend que les jeunes consomment moins de culture québécoise après qu’on ait passé les 10 dernières années à leur offrir le strict minium? Est-ce qu’on se surprend que les jeunes se désintéressent de la culture québécoise?» a demandé M. Portelance.
Guy A. St Cyr se souvient de son adolescence marquée par la folie des Chick'n Swell et de l’émission «Les pieds dans la marge». Il y a eu ensuite «Les appendices». Ces propositions ont fait en sorte de l’intéresser, comme le reste de sa génération, à ce qui se fait chez nous.
- Publié par Québec Amérique, «Génération Canal Famille» est disponible en librairie.