Il faut mettre fin au Far West numérique et protéger nos enfants


Philippe Léger
Je propose une idée toute simple au gouvernement Legault, qui ne coûte qu’un peu d’encre et du papier.
Prenez le rapport de la commission spéciale sur les écrans. Faites-en un condensé d’une dizaine de pages. Puis distribuez-le partout.
Dans les hôpitaux. Dans les écoles. Dans les édifices gouvernementaux. Faites-le devenir le nouveau «Distribution aux consommateurs».
Il s’agit d’un travail nuancé, instructif et nécessaire destiné non seulement aux jeunes, mais aussi aux parents.
Cocktail Molotov générationnel
Reculons un instant.
Années 2010. Le téléphone intelligent entre dans nos vies, puis dans celles des enfants. En tout temps, on avait dorénavant accès à un écran.
On basculait alors dans la «société des écrans».
Quelques années plus tard. Les premières études ont commencé à être publiées.
Un fait indéniable: pour les jeunes cerveaux, les écrans ont des conséquences désastreuses pour la concentration, la socialisation, l’intimidation, le sommeil, l’estime de soi, la dépression et l’anxiété.
L’expérience de l’enfance changeait brutalement.
Et là, paradoxe de notre époque: alors qu’on surprotège les jeunes, on les a jetés en pâture, sans casque, dans les mains des compagnies numériques, qui ont pris leur existence en otage.
À la recherche du temps perdu
C’est ce qui nous ramène à l’excellent rapport transpartisan présidé par la députée Amélie Dionne et des députés de tous les partis.
On a beaucoup parlé de deux de ses propositions-phares: interdire les téléphones à l’école et instaurer une majorité numérique à 14 ans pour s’inscrire sur les médias sociaux.
Soit.
Or, il y a plus.
Pour les parents, notamment.
Des spécialistes, comme Emmanuelle Parent du Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne, soulignent que les écrans ne sont pas un problème exclusivement «d’enfants».
C’est aussi un problème d’adultes.
La technoférence, vous connaissez?
Ce concept signifie l’incapacité des enfants à capter l’attention de leurs parents. Une sorte de déconnexion parentale dans la vie de leurs enfants... Il y a quelque chose d’immensément triste dans le témoignage d’enfants qui ne sont pas capables d’entrer en contact avec leurs parents à cause des téléphones.
On y parle aussi des techniques de dépendance utilisées par les jeux vidéo.
Les enfants sont exposés aux mécaniques de dépendance tout droit sorties des casinos et des jeux de hasard. Et ce, sans aucune réglementation.
On y apporte aussi certaines nuances.
Il peut être parfois tentant d’affirmer que tout est pourri là-dedans, que les écrans, en soi, déconstruisent nos vies.
Je suis le premier parfois à succomber. Or, les écrans font partie de nos vies.
Ils peuvent avoir des bienfaits... lorsqu’ils sont contrôlés et surtout réglementés.
C’est à la fin du Far West sans règles des écrans, des médias sociaux et de l’internet qu’il faut s’attaquer.
Le témoignage des jeunes
En parcourant les témoignages des jeunes, on s’aperçoit d’une chose: ils ne sont pas lobotomisés.
Ils comprennent les méfaits. Ils sont, par contre, pris dans une dynamique de dépendance: je sais que c’est mauvais pour moi, mais bon, j’en ai besoin...
C’est ce qui frappe aussi dans ce rapport: les jeunes espèrent, eux aussi, une vie «désécranisée» et plus humaine.