«Il faut les croire»: le slogan mal choisi du mouvement #MeToo
La justice ne peut pas croire automatiquement l’une ou l’autre version


Mario Dumont
On retrouvait des manifestants des deux «camps» devant le palais de justice de London lorsque la juge Carrocia a rendu sa décision jeudi dans le cas des joueurs d’Équipe Canada junior. En théorie, tout le monde devrait rechercher la justice. Or, cette cause est devenue si symbolique et si émotive qu’elle a créé des camps.
Parmi les manifestants qui souhaitaient une condamnation, on revoyait ce slogan: «Il faut les croire.» Une petite phrase clé devenue un cri de ralliement du mouvement #MeToo. Personnellement, je dirais qu’il s’agit d’une expression qui n’aide pas la cause de ce mouvement.
Il n’y a pas de doute qu’à une époque, les victimes d’agressions sexuelles faisaient face à un mur pour obtenir justice. Elles se présentaient à un poste de police où un homme sceptique écoutait leur déclaration en soupirant.
Au mieux, si des accusations étaient portées, elles déboulaient dans un système judiciaire qui allait leur rendre la vie impossible, voire les confronter à leur agresseur. Il reste du progrès à faire, mais les choses ont changé.
Un processus ouvert
En réalité, pour les victimes de crimes sexuelles, il faut quoi? Il faut les écouter, les entendre vraiment. Il faut prendre très au sérieux leur témoignage. Il faut leur permettre de s’exprimer librement, sans menaces ni contraintes, sur les événements survenus.
Puis, il faut les soutenir face au système judiciaire, créer des conditions pour que leur témoignage se passe de façon saine, ne leur fasse pas revivre inutilement le traumatisme du passé. C’est ce qu’a voulu faire Simon Jolin-Barrette avec ses tribunaux spécialisés en la matière.
Mais «Il faut les croire», c’est l’expression qui va trop loin puisqu’elle inclut carrément un déni de justice. L’idée de croire une seule personne implique qu’on ne croit plus toutes les autres. Or c’est le propre de la justice de chercher la vérité. La justice ne doit jamais croire automatiquement l’une ou l’autre version, elle doit soigneusement examiner les faits.
Recherche de la vérité
Devant un juge, c’est rarement tout noir ou tout blanc. Chacun a sa version, sa perception des événements. Des gens peuvent tordre la vérité, réarranger les faits ou carrément mentir. Les enquêtes policières, les interrogatoires et les contre-interrogatoires, tout doit concourir à établir les faits, la vérité.
Dans le cas d’un procès criminel, cette recherche de la vérité doit convaincre le jury ou le magistrat que le crime a été commis hors de tout doute raisonnable. Tous ces principes de justice sont incompatibles avec l’idée qu’une personne sera considérée comme portant La Vérité absolue dès l’étape initiale.
Dans un monde basé sur la foi en une seule version, on ferait quoi? La police reçoit une plainte et sans plus de formalités ni de délais, elle va ramasser l’individu visé et le reconduit en prison? Il ne resterait au juge qu’à décider de la durée de la sentence? Impensable!
Sans présomption d’innocence, sans recherche de la vérité, pas de justice.