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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Il faut cesser le «stop and go» dans la gestion des effectifs de l’État

Photo ADOBE STOCK
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Marc-André Bouvette, MBA, CRHA, gestionnaire et citoyen

2025-10-03T04:00:00Z
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Depuis trop longtemps, le gouvernement du Québec gère sa fonction publique avec une logique de «stop and go». On embauche massivement, puis on gèle, puis on coupe. La Coalition Avenir Québec en est l’exemple le plus frappant : plus de 10 000 nouveaux fonctionnaires ont été ajoutés durant son mandat, sans planification à long terme, pour ensuite décréter un gel et annoncer des compressions. Résultat : perte de contrôle, inefficacité et démobilisation.

On ne peut pas diriger un État comme on manœuvre un véhicule en freinant et en accélérant au hasard. La gestion des effectifs doit être un exercice de planification rigoureux, appuyé sur des données fiables, des ratios clairs et des objectifs précis. Or, c’est exactement ce qui manque à notre administration publique.

Le contraste avec le privé

N’importe quelle entreprise privée, même de taille moyenne, planifie ses effectifs dans un environnement infiniment plus incertain : cycles économiques, concurrence mondiale, évolution des marchés. Malgré ces aléas, elle se fixe des cibles, ajuste ses ressources et projette ses besoins.

Pourquoi l’État québécois, qui dispose d’une prévisibilité autrement plus grande — vieillissement démographique, besoins en santé et en éducation, finances publiques encadrées par la loi — est-il incapable de se doter d’une véritable structure de planification des effectifs?

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Une des grandes faiblesses de l’appareil public est de ne pas distinguer clairement les ressources directes, celles qui servent la mission (enseignants, infirmières, inspecteurs, ingénieurs), des ressources indirectes, les services d’appui (finances, RH, communication, informatique). Ces fonctions de soutien sont utiles, mais elles ne créent pas de valeur immédiate pour la population.

Or, l’État multiplie ses structures de soutien — sous prétexte de «modernisation» ou d’«amélioration continue» et ce, sans jamais établir de limites ni de ratios. Résultat: bureaucratie gonflée, gestionnaires en surplus... pendant que les services directs s’essoufflent.

Des objectifs clairs, maintenant

Le gouvernement doit se doter de vrais mécanismes de gestion des effectifs :

  1. Des objectifs quantifiés. Déterminer le ratio acceptable entre ressources directes et indirectes.
  2. Des indicateurs de performance. Mesurer la proportion d’heures réellement consacrées à la mission.
  3. Une planification à moyen terme. Un horizon de cinq ans, révisé annuellement.
  4. Une reddition de comptes transparente. Publier combien de postes sont affectés aux services directs versus aux services de soutien.

Sinon, on continuera de naviguer à vue: embauches massives sous pression politique, gels quand les finances se tendent, coupes brutales pour redresser la barre. C’est exactement l’inverse de ce qu’une organisation moderne devrait faire.

Cette improvisation a un coût bien réel. Les employés de l’État vivent dans l’incertitude, ballotés par les cycles politiques. Les gestionnaires ne peuvent pas bâtir de plans de relève. Les candidats hésitent à entrer dans la fonction publique. Et les services directs à la population demeurent fragilisés. De plus, comme payeur d’impôt placé devant une fardeau fiscal élevé, notre confiance en la fonction publique diminue légitiement.

En entreprise, ce genre de gestion entraînerait démobilisation, inefficacité et départs massifs. Pourquoi l’État tolère-t-il encore un tel amateurisme?

La solution n’est ni de couper aveuglément ni d’embaucher sans limite. La solution, c’est la planification: fixer un cap, se donner des objectifs, mesurer, ajuster.

Le Québec a besoin d’une fonction publique forte, mais surtout bien organisée, où chaque poste est justifié par rapport à la mission. On ne peut plus se contenter de réflexes politiques de court terme.

Il est temps de mettre fin au «stop and go». L’État doit s’inspirer des meilleures pratiques, se doter enfin d’une structure de planification des effectifs et gérer sa main-d’œuvre comme n’importe quelle organisation sérieuse.

Marc-André Bouvette, MBA, CRHA

Gestionnaire et citoyen

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