Hydro trop tendre à l’endroit de l’industrie des centres de données
Elle devrait être plus gourmande et imposer plus de conditions aux promoteurs


Jean-Michel Genois Gagnon
En pleine chasse aux énergies vertes, le président de QScale est d’avis qu’Hydro-Québec et le gouvernement doivent davantage montrer les crocs devant l’industrie des centres de données en imposant plus de critères et devraient peut-être même hausser les tarifs d’électricité.
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« Cela me fait un peu mal au cœur lorsque je vois qu’il y a des projets en 2021-2022 qui ne prévoient pas de récupérer la chaleur », déplore Martin Bouchard. « C’est beau les belles annonces, mais je pense qu’en 2022, il faudrait au moins exiger ce critère comme société », poursuit-il.
Ce dernier travaille justement sur un projet de mariage entre l’agriculture et la techno. QScale réalise la première phase d’un chantier de 867 millions $, à Lévis. La chaleur émise par les serveurs sera utilisée pour chauffer des serres agricoles. La direction souhaite faire d’autres petits au Québec.

« Il y a cinq ans, on se promenait pour essayer d’inciter les gens à venir ici », avance M. Bouchard. « Là, nous avons trop de demandes. Cela fait la file à la porte et on sait que l’énergie verte, nous n’allons pas en avoir de trop ».
C’est pourquoi il souhaite qu’Hydro-Québec et le gouvernement serrent la vis dans son industrie et auprès des autres entreprises énergivores en rendant obligatoire pour tous les nouveaux projets la récupération de la chaleur lorsque c’est possible comme condition pour profiter des tarifs d’électricité.
Même Microsoft se soumet
Cette solution pourrait, par exemple, chauffer des complexes agricoles, mais aussi des immeubles résidentiels ou des entreprises. La semaine dernière, Microsoft a d’ailleurs annoncé la création d’un centre de données en Finlande dont la chaleur aboutira dans des milliers de foyers.
Comme quoi l’énergie est abordable ici, à Montréal, un client de grande puissance payait, l’an dernier, 5,24 cents le kilowattheure, comparativement à 9,57 cents à Ottawa, 10,64 cents à Seattle ou 20,22 cents à Boston.
« Souvent, ce sont des joueurs étrangers. Ces gens-là, malheureusement, ne paient pas [beaucoup] d’impôt. Ce n’est pas avec ça qu’on va s’enrichir », note M. Bouchard, estimant que Québec pourrait même se permettre d’augmenter les tarifs aux compagnies énergivores pour renflouer ses coffres.
« Oui, avec un système de récupération de chaleur, les entreprises devront peut-être revoir leur plan et ça coûtera plus cher, mais je pense que c’est le prix à payer pour utiliser notre or bleu. [...] Par ailleurs, je ne pense pas que ces multinationales soient à 100 millions près », poursuit-il.
M. Bouchard est loin d’être un inconnu dans le monde des centres de données. Le Québécois est l’un des cofondateurs de 4Degrés, qui a été vendu à Vidéotron et par la suite à Vantage Data Centers.
L’homme d’affaires constate que les multinationales s’empressent, aujourd’hui, de faire des annonces comme si elles souhaitaient sécuriser leur électricité. Il espère que cela ne se fera pas au détriment des compagnies d’ici.
Hier, Le Journal écrivait qu’on retrouvait maintenant au Québec 54 centres de données, comparativement à 39 en 2019. Une dizaine d’autres projets ont aussi été approuvés par la société d’État pour les prochaines années.
D’ici 2029, Hydro-Québec prévoit que la demande en électricité pour les centres de données atteindra 4,2 TWh par an, soit l’équivalent de la consommation de 250 000 foyers ou de la production de la centrale de la Romaine-2.
En 2021, l’énergie consommée par cette industrie a été de 0,7 TWh, ce qui a rapporté des revenus de 40,5 millions $ à Hydro-Québec.