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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Les réserves se font rares: Hydro-Québec n’a plus de marge de manœuvre

AFP
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Photo portrait de David Descôteaux

David Descôteaux

2024-01-19T05:00:00Z
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Hydro-Québec a la plus petite marge de manœuvre de tous les producteurs d’électricité en Amérique pour cet hiver, selon un rapport. Dans un scénario de conditions extrêmes, la société d’État devrait faire du délestage et couper l’électricité à des clients.

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Mercredi, Hydro-Québec annonçait qu’elle payerait le gros prix pour s’approvisionner auprès des grands industriels comme Résolu, qui vient de signer une entente avec la société d’État. Si Hydro-Québec le demande, il sera possible pour Produits forestiers Résolu (PFR) de lui vendre jusqu’à 60 mégawatts de puissance cet hiver, au prix de 14,4 cents le kWh.

C’est presque autant que ce qu’ont fourni les quelque 22 000 participants au programme Hilo l’an dernier en économies d’énergie, ou l’équivalent de la consommation de 9000 résidences.

Mais cette entente témoigne surtout de la faible marge de manœuvre dont dispose Hydro-Québec en cas de grands froids.

Avec «l’option interruptible», les clients industriels d’Hydro-Québec peuvent, sur une base volontaire, interrompre ou diminuer leur consommation d’électricité dans les périodes de grand froid et de pointe pour réinjecter de la puissance sur le réseau d’Hydro-Québec, afin d’éviter des ruptures de courant. 

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Selon PFR, il s’agit de la continuation d’une entente existante. «Ce qu’il y a de différent cette année, c’est qu’on voulait étendre notre participation à partir de nos usines du Saguenay à Jonquière. Et pour le faire, on avait besoin d’une permission du gouvernement du Québec», explique Louis Bouchard, v.-p. des affaires publiques pour Papier Excellence, maison-mère de Résolu.

  • Écoutez le segment économie avec David Descôteaux via QUB

Plus de marge de manœuvre

Par contre, les réserves d’Hydro-Québec se font de plus en plus rares, comme le souligne un rapport de la North American Electric Reliability Corporation (NERC), un organisme dont le but est d’assurer la fiabilité et la sécurité des réseaux en Amérique du Nord. Ces réserves pourraient s’avérer insuffisantes en cas de conditions extrêmes, comme une période prolongée de froid intense, indique le rapport.

Dans un scénario de conditions extrêmes, Hydro-Québec aurait -2% de marge de manœuvre, selon le rapport, ce qui obligerait la société d’État à faire du délestage et à couper l’électricité à des clients. 

20 %
En comparaison, cette même marge de manœuvre est de 20% pour la province ontarienne.

Également, Hydro-Québec a la plus petite marge de manœuvre de tous les producteurs en Amérique dans un scénario normal, selon le rapport.

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«À ma connaissance, c’est la première fois que le Québec est en territoire négatif», souligne Jean-Marc Pelletier, ancien ingénieur d’Hydro-Québec qui a aussi travaillé 25 ans à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ).

«On a toujours pris des ententes avec les papetières et les gros consommateurs industriels pour satisfaire la demande de pointe. Mais en ce moment, il n’y en a pas assez. La demande au Québec a augmenté en électricité et ils sont en train de gratter les fonds de tiroir», ajoute-t-il.

Œil au beurre noir

PFR est propriétaire, pour des fins d’autoproduction, de sept centrales hydroélectriques d’une puissance totale installée de 176 MW, dont cinq sont situées sur la rivière Shipshaw.

Le Journal a tenté de savoir quel prix PFR allait recevoir d’Hydro-Québec pour ses MW de puissance, mais Hydro refuse de répondre. «Les grands clients industriels qui adhèrent à l’Option d’électricité interruptible permettent, année après année, l’effacement d’environ 1000 MW en période de pointe hivernale. Cependant, les informations sur les dossiers de chacun de nos clients sont confidentielles», nous a indiqué Francis Labbé, porte-parole d’Hydro-Québec.

Toutefois, la grille tarifaire d’Hydro-Québec indique que le prix de l’électricité interruptible est de 14,39 cents le kWh.

Selon Jean-Marc Pelletier, la situation est en quelque sorte un œil au beurre noir pour Hydro-Québec.

«Hydro-Québec est passée du statut de fournisseur fiable d’électricité, dans le marché du Nord-Est, à celui de producteur qui devra importer de l’électricité pour les besoins à venir du Québec, ou encore faire fermer des usines pour ne pas provoquer de pannes complètes», déplore-t-il.

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«Et pour corriger ces erreurs, on va pénaliser les gens d’ici en leur demandant de baisser le chauffage ou de démarrer leurs lave-vaisselle à 3h du matin!»

De surplus à pénurie d’électricité

  • Novembre 2018: «On a des surplus, on doit les exporter.» –Éric Martel, PDG d’Hydro-Québec, lors de la présentation du plan stratégique
  • Mars 2022: Plus de 100 térawattheures (TWh) additionnels d’électricité propre seront requis pour que le Québec atteigne la carboneutralité en 2050, soit plus de la moitié de l’actuelle capacité d’Hydro-Québec, selon le nouveau plan stratégique déposé par la société d’État et présenté par la PDG Sophie Brochu.
  • Décembre 2022: Les Québécois doivent réduire leur consommation d’électricité, prévient Pierre Fitzgibbon, ministre responsable d’Hydro-Québec. Baisse du chauffage, tarification horaire... Tout est considéré par le ministre responsable de l’Énergie, y compris l’installation de milliers d’éoliennes dans le Nord.
  • Septembre 2023: Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, évoque la possibilité de devoir doubler la capacité de production électrique d’ici 2050 en créant davantage de partenariats avec des entreprises privées.
  • Septembre 2023: «L’électricité n’est plus une commodité. Au Québec, il y a, depuis des années et des décennies, la perception que l’électricité est abondante avec des surplus importants. [...] Il faut ajuster des prix pour mieux refléter la réalité que l’électricité est devenue maintenant un actif précieux.» Michael Sabia, PDG d’Hydro-Québec, lors d’une rencontre Zoom avec les employés, sa première depuis sa nomination.
  • Novembre 2023: À cause du développement de la filière batterie et des besoins industriels grandissants, Hydro-Québec sera à court d’électricité deux ans plus tôt que prévu, ce qui l’obligera à accroître ses importations pendant les pointes hivernales. Il y a un an, Hydro s’attendait à avoir suffisamment d’électricité jusqu’en 2029. Or, dans un document déposé à la Régie de l’énergie, la société d’État révèle qu’elle est maintenant à la recherche de nouveaux approvisionnements pour 2027, soit deux ans plus tôt que ce qu’elle prévoyait en novembre 2022.
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