Un niveau d'eau inquiétant: le plus gros réservoir d'Hydro-Québec est à moitié vide

Si dame Nature ne se montre pas généreuse cet été, Hydro-Québec pourrait bien se retrouver littéralement à sec avec l'immense réservoir Caniapiscau à moitié vide qui pourrait compromettre la production d’électricité.

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Depuis la mi-juin, le niveau du plus grand réservoir d’Hydro-Québec – le Caniapiscau – attire l’attention: il est rempli à seulement 43% de sa capacité maximale, après avoir frôlé un plancher de 34%.

Ce gigantesque plan d’eau situé sur la Côte-Nord, quatre fois plus grand que le lac Saint-Jean, n’a pas atteint un seuil aussi bas depuis plus de 15 ans. Et même si la fonte des neiges a permis un léger redressement, la situation reste fragile, voire inquiétante, selon plusieurs experts.

«Plus un réservoir est bas, plus il faut d’eau pour produire la même quantité d’électricité. Donc il se vide encore plus rapidement si on maintient le même niveau de production d’électricité. C’est un principe physique dû à la hauteur de chute. Et ce cercle vicieux ne dépend même pas de la météo, il s’autoalimente», avertit Jean-Marc Pelletier, ancien ingénieur d’Hydro-Québec.

Un effet cascade

Selon lui, la baisse du niveau du Caniapiscau pourrait avoir des effets en cascade, puisque ce plan d'eau agit comme réservoir principal pour tout le réseau de la Baie-James.

Une source interne confirme cette pression sur les centrales hydroélectriques de la Baie-James: «Il y a un peu plus d’un mois, il ne restait que 34% d’eau à Caniapiscau, à peine 14 pieds avant le fond. Et on turbine toujours à plein régime. Laforge-1 était presque vide, LG-4 aussi. LG-2 ne tenait qu’à quelques pieds. On épuise nos marges. J’ai des amis pilotes d’avion qui n’osaient même plus se poser sur les réservoirs», dit-elle.

«Ce niveau n’est pas problématique pour la production, rassure Pascal Poinlane, des relations avec les médias chez Hydro-Québec. On gère nos réservoirs de manière prudente.»

«Le niveau se compare à celui entre 2005 et 2014 complète Lynn St-Laurent, porte-parole de la société d’État. La crue printanière a été normale, et le niveau va continuer de monter cet été.»

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Les contrats aux États-Unis en jeu?

Mais la prudence reste de mise. 

«Caniapiscau est un réservoir multiannuel, capable d’amortir les années sèches, souligne François Bouffard, professeur à l’Université McGill. Mais si plusieurs années difficiles s’enchaînent, la tension monte. Toutefois, il faut se rappeler qu’en 2017-2018, c’était l’inverse, on avait trop d’eau. Aujourd’hui, on en manque. Et ça, seule dame Nature peut y remédier.»

Ainsi, c’est la stratégie énergétique d’Hydro-Québec qui se retrouve sous pression.

«Avec la croissance de la demande et les mégacontrats d’exportation vers New York et la Nouvelle-Angleterre – 20 TWh par an dès décembre –, Hydro devra faire des choix, estime le professeur. Il y a une pression en ce moment sur les réservoirs, on turbine beaucoup. La nouvelle PDG voudra peut-être arbitrer entre la décarbonation locale et les engagements à l’exportation.»

En 2024, Hydro a déjà peiné à honorer ses ventes hors Québec (15 TWh seulement), faute de ressources hydrauliques suffisantes. La sécheresse est telle dans le Nord qu’Hydro-Québec aurait manqué de courant, l’an dernier, pour livrer l’électricité prévue aux contrats conclus avec New York et la Nouvelle-Angleterre. La livraison de ce dernier est censée débuter en décembre.