Hydro-Québec et Legault abusent de leur pouvoir, estiment des experts


David Descôteaux
En faisant fi des recommandations de la Régie de l’énergie et en imposant arbitrairement une hausse des tarifs plafonnée à 3%, François Legault commet un grave précédent, dénoncent des spécialistes dans une lettre ouverte.
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«Les propos tenus récemment par le gouvernement et par Michael Sabia, PDG d’Hydro-Québec, selon lesquels il est légitime pour le gouvernement de remplacer les décisions de la Régie de l’énergie dans la fixation des tarifs d’électricité sont non seulement troublants, mais dangereux pour l’équilibre de nos institutions», écrivent les professeurs Pierre-Olivier Pineau et Sylvain Audette, des HEC, ainsi que l’analyste Jean-Pierre Finet.
Rappelons les faits. Le 6 mars 2025, la Régie de l’énergie, dans l’exercice de la compétence exclusive sur les tarifs d’électricité que lui accorde l’Assemblée nationale, rendait une décision indépendante: la hausse des tarifs d’électricité devrait être de 3,6%.
Hydro-Québec, conformément au souhait du gouvernement, proposait plutôt une hausse de 3%, mais elle estimait elle-même la hausse nécessaire à 3,9%, notamment pour financer ses projets.
Le gouvernement a plutôt choisi de court-circuiter la décision rendue en émettant un décret et en imposant arbitrairement une hausse plafonnée à 3%, afin de tenir sa promesse faite aux Québécois.
Faire reculer le Québec
«Ce geste, posé par le pouvoir exécutif, constitue une attaque directe à la compétence exclusive de la Régie de l’énergie, telle que définie par l’Assemblée nationale. Avec son décret, le Conseil des ministres fait reculer le Québec de presque 30 ans à la politisation des tarifs d’électricité que la création de la Régie devait éliminer», écrivent les auteurs.
Ces derniers écorchent au passage Michael Sabia, lui reprochant d’avoir soutenu publiquement cette intervention politique.
«En cautionnant cette intrusion, il banalise une dérive institutionnelle inquiétante: celle d’un gouvernement qui s’octroie le droit de modifier les règles allant à l’encontre des décisions après coup, au nom d’une prétendue “acceptabilité sociale”, alors qu’en fait, on peut supputer des calculs politiques qu’il veut faire fructifier à son avantage», dénoncent-ils.
Enfin, les signataires appellent le gouvernement à réaffirmer son respect pour l’autorité de la Régie de l’énergie, à abroger son décret «et à éviter à l’avenir toute mesure qui affaiblit la primauté du droit».