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L'article provient de TVA Nouvelles
Société

«Hydro, c’est gros. On se bat contre un éléphant»: des producteurs de sirop d’érable sous le choc

Ils bouillent de colère, car ils craignent de perdre leurs érables et leur cabane à sucre familiale construite de leurs mains.

Photo FRANCIS HALIN
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Photo portrait de Francis Halin

Francis Halin

2025-05-31T04:00:00Z
2025-05-31T18:22:10Z
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Des producteurs de sirop d’érable d’une bourgade de 1000 âmes craignent qu’Hydro-Québec débarque avec ses gros sabots pour saccager leur terre.

• À lire aussi: Ce producteur de sirop d’érable ne veut rien savoir des pylônes d’Hydro 

• À lire aussi: «Quand j’ouvre les rideaux le matin, je pleure»: des pylônes de la colère à Dunham 

«Hydro, c’est gros. On se bat contre un éléphant», lâche Christian Rail, de Saint-Norbert, en montrant le tracé de la nouvelle ligne, qui lui ferait perdre un bon 15% d’entailles.

«Si on m’enlève un volume d’eau d’érable, mon évaporateur et mes bassins seront trop gros. Mes investissements sont à risque», soupire celui qui exploite l’érablière lanaudoise de 5000 entailles depuis une douzaine d’années.

Ces dernières années, il a investi 350 000$ pour s’équiper afin d’exporter son sirop d’érable au Japon et aux États-Unis. Mais une nouvelle ligne de transmission d’Hydro-Québec de 735 kV et un poste pourraient gâcher son rêve.
Ces dernières années, il a investi 350 000$ pour s’équiper afin d’exporter son sirop d’érable au Japon et aux États-Unis. Mais une nouvelle ligne de transmission d’Hydro-Québec de 735 kV et un poste pourraient gâcher son rêve. Photo Francis Halin

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Dans la vallée du Saint-Laurent, Hydro veut construire deux postes à 735 kilovolts (kV) et environ 200 kilomètres de lignes de pylônes de 40 à 75 mètres de haut, selon les obstacles à traverser et les lieux.

«Comme dans une toile d’araignée»

Jeudi dernier, des citoyens inquiets du coin ont donné rendez-vous au Journal dans un café pour exprimer leurs craintes.

Des opposants à la nouvelle ligne de transmission d’Hydro-Québec se sont réunis jeudi avant-midi pour dénoncer l’un des scénarios sur la table.
Des opposants à la nouvelle ligne de transmission d’Hydro-Québec se sont réunis jeudi avant-midi pour dénoncer l’un des scénarios sur la table. Photo Francis Halin

Au même moment, le premier ministre François Legault rencontrait le PDG d’Hydro pour parler de son «plan de développement de 175 milliards $».

François Legault a publié une photo de lui et de sa garde rapprochée avec le grand patron d'Hydro-Québec jeudi dernier.
François Legault a publié une photo de lui et de sa garde rapprochée avec le grand patron d'Hydro-Québec jeudi dernier. Photo tirée du compte X de François Legault

Sur le terrain, la construction d’une nouvelle ligne et d'un poste pour abreuver d’énergie les grands centres dérange. Hydro étudie deux scénarios, dont un passant à Saint-Norbert.

Carte fournie par Hydro-Québec
Carte fournie par Hydro-Québec

Pour Denis Ménard, cependant, l’un des deux tracés scinderait sa terre en deux, comme un saucisson.

«On va être pris dans des tours comme dans une toile d’araignée», confie-t-il en prenant une gorgée d’air dans son bout de forêt de troisième génération.

Denis Ménard se sent encerclé par ces monstres de métal qui risquent d’atterrir dans sa cour.
Denis Ménard se sent encerclé par ces monstres de métal qui risquent d’atterrir dans sa cour. Photo Francis Halin
«Ils vont bûcher à blanc»

Quelques kilomètres plus loin, Alex Gagnon, un ingénieur forestier, pointe au Journal des érables centenaires qui risquent de passer à la tronçonneuse.

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«Je perdrais un tiers de mon érablière de 1500 entailles. C’est dans la famille depuis plus de 100 ans», soupire celui qui dénonce un «semblant de consultation».

«Ce n’est pas une servitude. Ça sera une expropriation», soutient-il.

Alex Gagnon, un ingénieur forestier et propriétaire d’une cabane à sucre, n’en revient pas de voir des érables matures à risque.
Alex Gagnon, un ingénieur forestier et propriétaire d’une cabane à sucre, n’en revient pas de voir des érables matures à risque. Photo Francis Halin

Cette terre avec le vieil érable, c’est celle de Francis Coutu. Lui, il perdra tout si le tracé d’Hydro passe. Sa cabane bâtie de ses mains avec ses enfants serait rasée, dit-il.

«Ils vont bûcher à blanc pour passer deux nouveaux pylônes», confie l’homme, qui a acheté sa terre il y a 13 ans.

Pris d’émotion, incapable de terminer ses phrases, il laisse son fils Zacharie répondre.

Francis Coutu avait du mal à retenir ses larmes jeudi dernier tellement le coup est dur à encaisser.
Francis Coutu avait du mal à retenir ses larmes jeudi dernier tellement le coup est dur à encaisser. Photo Francis Halin

«Depuis que je suis jeune, je viens ici après l’école pour bûcher», lance le jeune homme de 18 ans avec des photos de la construction de sa cabane.

Comme lui, Michel L’Écuyer, 77 ans, propriétaire de 300 entailles, s’inquiète. 

«Je suis arrière-grand-père. C’était pour mes enfants. Je passe dans la machine à saucisses», soupire-t-il.

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Michel L’Écuyer a acheté sa cabane à sucre en 2000. Il pensait pouvoir la laisser à ses enfants, mais il a peur qu’elle soit complètement ravagée.
Michel L’Écuyer a acheté sa cabane à sucre en 2000. Il pensait pouvoir la laisser à ses enfants, mais il a peur qu’elle soit complètement ravagée. Photo Francis Halin

Son voisin Alain Dénommée, lui, voit aussi sa vie être gâchée.

«J’ai travaillé toute ma vie pour avoir un petit coin tranquille pour ma retraite. J’arrive à 70 ans. Si ça tombe, la moitié de ma vie est partie», souffle-t-il.

Alain Dénommée pointe sa maison, qui risque d’y passer si la ligne frôle sa propriété.
Alain Dénommée pointe sa maison, qui risque d’y passer si la ligne frôle sa propriété. Photo Francis Halin

Alain Dénommée avait baptisé la rue de son nom de famille.
Alain Dénommée avait baptisé la rue de son nom de famille. Photo Francis Halin
Près des lignes existantes

Chez Hydro, on dit être en consultations publiques et «tenir compte des facteurs humain, technique et environnemental».

«Notre objectif étant de trouver le tracé à moindre impact, la ligne à l’étude longe une ligne existante, ce qui permet de réduire la largeur de l’emprise de 20 à 30%», illustre son porte-parole, Pascal Poinlane.

Est-ce qu'il y aura des compensations? Non, quand Hydro a des droits de servitude. Et oui si elle doit acquérir ces droits.

«Hydro-Québec travaille à réduire les impacts du projet en longeant la ligne existante et en consultant activement les citoyens. Les commentaires recueillis, notamment lors des rencontres locales, servent à optimiser le tracé. Chaque préoccupation est incluse dans nos analyses afin de limiter les effets sur les milieux sensibles», assure-t-on.

Le projet sur la table

  • La ligne à 735 kV qui traverse 22 ou 23 municipalités
  • Longueur totale d’environ 200 km
  • Tronçons
    • un premier d’environ 150 km entre les deux nouveaux postes projetés
    • un second d’environ 50 km entre le poste projeté dans la MRC D’Autray et le futur poste Jean-Jacques-Archambault, à Sainte-Julienne

Le tracé à l’étude serait collé à des lignes déjà sur le parcours.

Source: document d’Hydro-Québec d’avril 2025

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