Hôpital Maisonneuve-Rosemont: c’est la colère qui a fait reculer le gouvernement, pas l’humanité


Yasmine Abdelfadel
L’hôpital Maisonneuve-Rosemont n’est plus un centre de soins: c’est un symbole de ce que devient un État quand il cesse de voir, d’entendre, de sentir. Un hôpital de fortune, un repaire de bestioles et de honte, dans l’un des quartiers les plus peuplés de Montréal.
Après avoir relégué sa réfection aux calendes grecques, voilà que le gouvernement recule. Il recule sur son recul. Non pas par sens du devoir. Non pas parce que des rapports accablants s’empilaient. Non pas parce que les médecins, les syndicats, les patients ou les professionnels suppliaient depuis des années qu’on les entende.
Recul
Non. Ce qui a forcé le gouvernement à sortir de son coma éthique, c’est la colère. La colère brute, indignée, contagieuse. Celle de l’électeur. Celle des partis d'opposition. Celle des syndicats, des chroniqueurs, des citoyens. Celle d’un peuple qui, à force de se faire traiter en citoyen de seconde zone, a fini par se faire entendre.
Soyons clairs: sans les images diffusées par Yves Poirier – un dentier infesté de fourmis, des plafonds moisis, une ventilation moribonde –, rien n’aurait bougé. Si les soignants n’avaient pas bravé le silence pour dénoncer ce qui se passe derrière les murs de cet hôpital, rien ne se serait passé. Si les partis d’opposition n’avaient pas, chaque jour, sans relâche, martelé l’absurdité de cette décision, on en serait encore à colmater des fuites d’eau avec du tape.
Fatigue
Et si le Québec n’avait pas crié, d’une seule voix, son indignation face à ce traitement réservé à l’est de la métropole? Silence radio.
Soyons honnêtes: le gouvernement comptait sur l’essoufflement. Sur la fatigue médiatique. Sur Trump, sur la campagne fédérale, sur n’importe quoi d’autre pour que l’on oublie. Pour que les chauves-souris dans les salles de soins et les fourmis dans les dentiers deviennent une norme. Une autre incongruité québécoise qu’on finit par tolérer.
Mais cette fois, non. Le gouvernement a plié. Pas de mérite. Pas de bravo. Juste un rappel: la colère est parfois le seul langage que comprend le pouvoir.