Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Hockey Canada et les limites essentielles du mouvement #metoo

Alex Formenton lors de son arrivée au palais de justice de London, le 24 juillet dernier.
Alex Formenton lors de son arrivée au palais de justice de London, le 24 juillet dernier. Getty Images via AFP
Partager
Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

2025-07-26T04:00:00Z
2025-07-26T04:10:00Z
Partager

Devant le tribunal de l’opinion publique, le verdict de la juge Maria Carroccia dans l’affaire des 5 joueurs de hockey accusés d’agression sexuelle a eu l’effet d’une douche froide.

Comment une femme juge a-t-elle pu acquitter cinq jeunes hommes qui se sont comportés comme de véritables goujats envers une jeune femme intoxiquée? Comment a-t-elle pu laisser la plaignante témoigner pendant neuf jours? On l’a épuisée, malmenée. Et surtout, comment cette juge a-t-elle pu conclure que le témoignage de la plaignante n’était «ni crédible ni fiable» dans un monde où l’on doit toujours croire une victime?

Pourtant, pour ceux qui ont suivi ce procès dans ses moindres détails – juristes comme journalistes judiciaires – ce verdict n’avait rien de surprenant.

Le mouvement #metoo a profondément transformé notre rapport au consentement et aux agressions sexuelles. Et tant mieux. Mais cette affaire nous rappelle qu’un procès criminel, lui, est à l’abri de telles pressions sociales. Et c’est bien ainsi.

Une ligne rouge à ne pas franchir

La juge l’a exprimé avec clarté: «Bien que le slogan croire la victime ait été popularisé, il n’a pas sa place dans un procès criminel».

Ce n’est pas le ressenti de la plaignante qu’on évalue, mais les faits. Ce n’est pas «sa vérité», teintée de honte, de malaise ou de regret, mais des éléments de preuve – concrets, vérifiables, cohérents. Or, dans ce dossier, les contradictions étaient trop nombreuses.

Publicité

Sa détresse au lendemain des événements, aussi sincère fût-elle, ne pouvait suffire à établir la culpabilité des cinq hommes.

Avant de s’indigner, il faut y réfléchir: sommes-nous prêts, au Canada, à renverser le fardeau de la preuve en matière criminelle? Faudrait-il que les accusés prouvent leur innocence, plutôt que la Couronne établisse leur culpabilité hors de tout doute raisonnable?

Ce serait renier les fondements mêmes de notre système de justice.

Imaginez cette logique appliquée à un procès pour meurtre: combien d’innocents risqueraient alors de passer leur vie derrière les barreaux?

Opprobre n’est pas prison

Cela peut sembler profondément injuste pour les victimes d’agression sexuelle. Mais comme l’a écrit la juge, un procès criminel n’est pas un tribunal de moralité.

«Il n’appartient pas à ce tribunal de se prononcer sur la moralité ou le bien-fondé de la conduite de l’une ou l’autre des personnes impliquées dans ces événements. La seule fonction de ce tribunal est de déterminer si la Couronne a prouvé chacun des chefs d’accusation portés contre chacun des accusés, hors de tout doute raisonnable.»

Les conséquences d’une condamnation sont trop lourdes – dans ce cas-ci, jusqu’à dix ans de prison.

Voilà une leçon fondamentale qui n’enlève rien aux immenses avancées du mouvement #metoo.

Tribunaux spécialisés, formation accrue des juges, débat public renouvelé sur le consentement, dénonciation des comportements sexistes au travail: tout cela fait partie d’un chantier de société en constante évolution.

Mais la justice pénale, elle, repose sur un socle intangible: la présomption d’innocence et la rigueur de la preuve. Et ce socle doit demeurer inébranlable.

Publicité
Publicité