Hériter d’un CELI, c’est très compliqué


Daniel Germain
Au décès, comment se passe le transfert d’un CELI au conjoint survivant ? Pour résumer, permettez que je cite feu ma grand-maman Marchand : « C’est un maudit aria ! »
Je n’avais pas réalisé comment cette opération pouvait être délicate avant de recevoir le courriel de Julie.
Notre lectrice a mené son enquête avant de nous écrire. Ses recherches se sont embourbées en raison d’ambiguïtés persistantes entourant la question.
Qu’est-ce qui est si compliqué ?
Québec et Canada
D’abord, attaquons-nous à la source de la confusion : ce n’est pas pareil au Québec que dans le reste du Canada. Ailleurs au pays, le détenteur d’un Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) peut nommer un « titulaire remplaçant », ce qui fait en sorte que le compte peut être transféré au conjoint sans friction après le décès.
La loi au Québec ne le permet pas, sauf dans un cas particulier (par l’intermédiaire d’un contrat de rente), mais la paperasse des banques canadiennes ne semble pas tenir compte de cette distinction. Elle laisse donc flotter la possibilité de remplir un formulaire pour désigner un bénéficiaire. L’information ne s’est pas non plus rendue à tout le personnel de l’Agence du revenu du Canada, du moins, c’est ce que je déduis du récit de Lucie.
Il existe une autre voie pour assurer le transfert du CELI au conjoint survivant, la seule accessible aux Québécois : le legs testamentaire. Comme dans : « Moi Marcel, je lègue mon CELI à ma conjointe Francine. »
Ç’a l’air simple de même, mais on a intérêt à agir vite après le décès, car ça peut coûter cher d’impôt.
Le CELI au décès
Comme on sait, les rendements du CELI ne sont pas imposables, que ce soit du vivant ou au décès de son titulaire. Cependant, après le trépas, et jusqu’au moment où le contenu du compte est roulé vers le CELI du conjoint survivant, les gains réalisés dans l’intervalle ne sont plus à l’abri du fisc.
« En plus, les rendements perdent alors leur nature. Peu importe si c’est des gains en capital ou des dividendes, ils seront traités comme des revenus imposables à 100 % », explique Natalie Hotte, conseillère senior en fiscalité, retraite et succession à Banque Nationale Trust. Rappelons que la moitié des gains en capital est imposable alors que les revenus de dividendes profitent d’un allègement fiscal.
Problème mineur, pensez-vous ?
Par un exemple, la fiscaliste démontre comment la situation peut être injuste. En janvier 2020, un client détenait 84 000 dollars dans son CELI. Surviennent alors la pandémie et le krach boursier. La valeur du compte dégringole à 65 000 dollars, son titulaire meurt peu de temps après (l’histoire ne dit pas si la pandémie de COVID-19 ou la chute des marchés sont en cause).
Avant la fermeture, le CELI a rebondi à 80 000 dollars. Résultat : l’Agence du revenu du Canada a émis un feuillet T4a de 15 000 $.
Fermer le CELI au plus vite
Le contenu du CELI au moment du décès correspond au montant que le conjoint survivant peut utiliser à titre de « cotisation exclue » à son propre CELI. Par « exclue », on veut dire qu’elle ne réduit pas les droits de cotisation de l’héritier du compte. L’argent passera du compte du défunt vers celui de la succession avant d’aboutir dans celui du destinataire. C’est ainsi que se fait le roulement.
Pour réduire l’impact fiscal, il n’y a qu’un moyen : clore le CELI le plus rapidement possible et déplacer les titres vers le compte de la succession. À défaut d’éliminer l’impôt, cette opération permet au moins aux gains en capital d’être imposés comme tels.
Autre option : liquider les titres à l’intérieur du CELI dès le décès, fermer le compte, transférer l’argent et racheter les mêmes titres (ou d’autres) dans le compte de la succession.
Pour quelqu’un qui n’est pas familier avec de telles manœuvres (dont moi), ça peut provoquer des sueurs. Sans accompagnement ni conseil, c’est intimidant. Des groupes d’intérêts, dont les institutions financières, pressent Ottawa d’éliminer ces embûches.
Quand le CELI est destiné au conjoint survivant, cette lourdeur n’a effectivement pas lieu d’être. Non plus la facture d’impôt qui en découle.