Herbe à poux: un Québécois propose une façon de limiter la propagation de la pire plante du monde
La plante envahissante causant des allergies gagne du terrain au Québec


Mathieu-Robert Sauvé
Un botaniste québécois propose de remplacer l’herbe à poux par une autre plante afin de limiter les impacts de cette espèce envahissante qui gagne du terrain au Québec et qui cause des allergies à des milliers de Québécois.
«C’est probablement l’espèce la plus nuisible du monde», lance le botaniste Claude Lavoie, professeur à l’Université Laval et spécialiste des plantes envahissantes.
Dans son plus récent livre qu’il consacre entièrement à cette plante (Herbe à poux, MultiMondes), il rappelle que le rhume des foins, qui touche environ un million de personnes, a déjà entraîné des malades au suicide et même au meurtre.
«C’était aux États-Unis avant la découverte des antihistaminiques, relate-t-il au Journal. Une femme a tué ses deux enfants car elle n’en pouvait plus de les voir souffrir. C’est un cas extrême, bien sûr, mais j’ai retrouvé aussi au moins quatre suicides.»

Jusqu’aux années 1950, la saison du «rhume des foins» était annoncée dans les journaux québécois et on s’y préparait tant bien que mal dès la mi-juillet, sachant que les malades auraient des écoulements, éternuements et irritations aux yeux pendant un bon mois. «En vertu du réchauffement climatique, cette période s’est allongée des deux côtés, soit avant et après la période critique», ajoute M. Lavoie.
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Solution?
Une solution que M. Lavoie préconise consiste à barrer le chemin de l’herbe à poux avec une des seules espèces capables de lui résister: le mélilot blanc. Une expérience sur le terrain pourrait être bientôt lancée dans le Bas-Saint-Laurent par son équipe aussitôt qu’il aura obtenu un financement adéquat et l’accord du ministère des Transports et de la mobilité durable.

Résistante, productive et très à l’aise dans des milieux ouverts et pollués comme le bord des routes, la plante forme des arbustes denses. Présente au Québec depuis 1867, Melilotus albus, de son nom savant, a même l’avantage de progresser plus rapidement.
«Si on ne fait rien, l’herbe à poux va devenir un double problème – agricole et santé humaine – dans cette région qui est encore une des rares encore épargnées au Québec.»

Inutile ou désastreuse
En plus des problèmes de santé publique qu’elle provoque, l’herbe à poux affecte le rendement des terres agricoles. «Les agriculteurs répandent des pesticides et la tondent, deux méthodes inutiles, voire désastreuses», commente l’expert.
En tuant une proportion importante d’individus avec un herbicide, celle-ci réapparaît plus forte l’année suivante en vertu de la sélection naturelle. Seuls les individus résistants au poison se reproduisent l’été suivant, créant une population immunisée. Pour la tonte, elle n’est efficace qu’autour de la mi-juillet quand les semences s’envolent.

«On peut avoir quelque succès en arrachant à répétition toutes les plantes d’un quartier. La proportion de pollen diminue de façon marquée, mais ça n’a pas d’effet à large échelle», poursuit-il.
Conquérir le monde
Née dans le sud-ouest de l’Amérique du Nord, l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) de son vrai nom a d’abord posé problème dans les cultures à mesure qu’on coupait des forêts en Virginie et en Nouvelle-Angleterre. En s’installant dans les champs de soya, elle diminuait sensiblement la productivité des champs. Il était déjà trop tard pour s’en débarrasser.

Ce sont les chemins de fer puis les larges routes qui permettront sa conquête nordique. Sa première observation à Montréal date de 1822. On la trouve aujourd’hui en Chine et même en Australie.
Les coûts associés aux effets de l’herbe à poux (soins de santé, médicaments, etc.) atteindront 4,4 milliards par an d’ici 2065 selon des chercheurs d’Ouranos.
Un coût qui pourrait grimper d’un autre milliard si on tient compte des effets du réchauffement climatique et des pertes agricoles (récoltes moins abondantes, achat d’herbicides).
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