Plateformes de location à court terme: une vraie patate chaude pour les villes
Dominique Lelièvre et Diane Tremblay
Alors qu’elles regorgent d’attraits touristiques, des municipalités de la région de Québec ne semblent pas trop savoir sur quel pied danser face aux géants de la location à court terme. À bien des endroits, les plateformes divisent : des citoyens veulent protéger leur quiétude, mais d’autres ne veulent pas sacrifier cette source de revenus et demandent à pouvoir jouir de leur propriété comme bon leur semble.
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Trente référendums à Stoneham

À Stoneham-et-Tewkesbury, la loi 67, qui autorise la location à court terme dans les résidences principales, n’est pas passée comme une lettre à la poste.
Le conseil municipal a adopté une réglementation pour maintenir, essentiellement, le statu quo, en préservant le droit de faire de la location dans les secteurs récréotouristiques où c’était déjà possible de le faire et en réaffirmant l’interdiction dans 96 autres secteurs à vocation plus résidentielle.
Cependant, des résidents ont forcé la tenue de référendums dans 30 zones. L’exercice pourrait coûter « au bas mot 100 000 $ » à la municipalité, craint le maire, Sébastien Couture, qui réclame de l’aide.
« [Le gouvernement a] permis aux municipalités de venir réglementer, mais il nous a mis contre le vent de la loi et il nous a pelleté dans notre cour l’ensemble du processus et l’ensemble aussi du défi financier », dénonce-t-il.
Stoneham sait par expérience que malgré la bonne volonté de la majorité des propriétaires qui louent des hébergements, la cohabitation n’est pas toujours facile, soutient le maire.
Selon lui, la Municipalité voulait éviter une autorisation tous azimuts qui aurait pu ébranler la « paix sociale », et se donner le temps d’étudier d’éventuels assouplissements, avec ses propres balises. La porte est ouverte pour reculer dans certaines zones.
« Les abus, justement, que l’on veut encadrer, c’est parce qu’on en a déjà vécu sur notre territoire. Ce n’est pas un fait non vécu chez nous », souligne l’élu, qui évoque des « nuisances » parfois importantes pour les résidents.
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Des citoyens se mobilisent à Beaupré

Des citoyens se sont mobilisés à Beaupré pour faire interdire la location à court terme dans leur quartier. Même s’il s’agit d’un secteur touristique, ils ont obtenu gain de cause.
La cohabitation entre les propriétaires occupants et les utilisateurs de services de location à court terme tels qu’Airbnb n’est pas toujours rose.
Pour préserver leur tranquillité, un groupe d’une vingtaine de citoyens s’est mobilisé pour faire connaître leur désaccord à la municipalité.
« Au départ, nous ne voulions pas trop exclure cette zone, car on ne voulait pas créer de précédents », a fait part le maire Pierre Renaud.
Les citoyens ont envoyé des lettres. Ils ont assisté à des séances du conseil municipal et ils ont posé des questions. Grâce à leurs démarches, ils ont obtenu une modification réglementaire qui empêche la location à court terme dans la zone 52-H (Faubourg de la Crête), à l’exception de quelques droits acquis qui ont été maintenus.
Réveil brutal
Selon Jean-F. Keable, qui fait partie du groupe de citoyens qui s’est battu à Beaupré, le réveil pourrait être assez brutal pour ceux qui ont négligé de suivre le dossier dans les autres municipalités.
« Plusieurs citoyens ne s’en sont pas occupés par ignorance ou autrement. La loi a été adoptée et ceux qui ne s’en sont pas soustraits sont sur un territoire où la location à court terme est permise pour les résidences principales », dit-il.
Les villes avaient jusqu’au 25 mars pour adopter leur règlement afin d’encadrer l’hébergement touristique au Québec.
« Saine cohabitation »
À Lévis, un projet de règlement propose de bannir la location à court terme de résidences principales dans 1050 zones résidentielles. « Pour assurer cette saine cohabitation, on va l’interdire dans tout ce qui est résidentiel à l’état pur ou à divers degrés », confirme le maire Gilles Lehouillier, disant vouloir « assurer la quiétude » des gens et « éviter de nuire au parc locatif au moment où on connaît une sérieuse pénurie de logements ». Les résidents pourront signer un registre s’ils veulent annuler cette décision dans leur quartier. « C’est le citoyen qui va avoir le dernier mot. »
Une révision des règles fera toutefois passer de 58 à 125 les endroits où l’hébergement touristique est autorisé. Ce sont des secteurs à vocation commerciale ou mixte, où il y a peu d’habitations, plaide le maire. « On a profité de cet élément-là pour remettre à jour nos zones de résidences de tourisme. On savait qu’il fallait les mettre à jour. » Le conseiller de l’opposition Serge Bonin s’en inquiète. « Peu importe ce qu’on fait comme règlement, quand il y a un règlement, il faut le faire appliquer. En ce moment, on n’a pas les moyens. »
Surtout pas plus
À Saint-Ferréol-les-Neiges, on a pris les moyens pour limiter la location à court terme dans les zones où c’était déjà permis avant l’entrée en vigueur de la loi 67. Dans ce centre de villégiature qui est recherché en raison de la proximité du mont Sainte-Anne, la location à court terme est une réalité depuis longtemps. « On s’est limité à ce qui existait déjà avant l’entrée en vigueur de la loi », a dit François Drouin, directeur général de la municipalité.
Pas question d’étendre la location à court terme à tout le territoire. Cette activité est autorisée seulement dans les zones dites « touristiques ».
« On a eu des épisodes où on a connu des problèmes », a reconnu M. Drouin.
Et où le voisinage était exaspéré, a-t-il ajouté. Des solutions ont été apportées par les « hôtes », mais il a fallu du temps. « Étant donné qu’on a déjà plusieurs secteurs où on a ça à gérer, cela ne nous tentait pas de les multiplier », a poursuivi le directeur général. La Municipalité a ouvert les registres pour permettre aux citoyens de s’opposer à son règlement, mais il n’y a pas eu assez de signatures pour tenir un référendum.
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