Haïti, ravagé par les gangs, approche du «point de non-retour», alerte l’ONU

AFP
Victime d’une nouvelle escalade de la violence des gangs ces dernières semaines, Haïti s’approche du «point de non-retour», a alerté l’ONU lundi, appelant la communauté internationale à agir pour empêcher le pays de plonger dans un «chaos total».
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«Nous approchons d’un point de non-retour. Alors que la violence des gangs continue de se propager à de nouvelles zones du pays, les Haïtiens vivent dans une vulnérabilité de plus en plus grande et sont de plus en plus sceptiques sur la capacité de l’État à répondre à leurs besoins», a déclaré devant le Conseil de sécurité Maria Isabel Salvador, représentante spéciale de l’ONU dans le pays.
«Sans aide internationale décisive, concrète et dans les délais, la situation sécuritaire en Haïti pourrait ne pas changer», s’est-elle inquiétée, décrivant les attaques coordonnées menées par les gangs pour accroître encore leur contrôle à Port-au-Prince et dans d’autres régions.
«Haïti pourrait faire face à un chaos total», a-t-elle ajouté, appelant le Conseil de sécurité à agir rapidement pour «répondre aux besoins urgents du pays et de son peuple».

«La République d’Haïti est en train de mourir à petit feu sous l’action combinée des gangs armés, des narcotrafiquants et des trafiquants d’armes, a déploré de son côté l’ambassadeur haïtien Ericq Pierre. Aux grands maux les grands remèdes: la République d’Haïti est disposée à discuter et à appuyer le cas échéant toute initiative de ses partenaires traditionnels visant à aider à débarrasser le pays des gangs qui terrorisent la population.»
Pays le plus pauvre des Amériques, Haïti pâtit depuis longtemps des violences des bandes criminelles, accusées de meurtres, viols, pillages et enlèvements, dans un contexte d’instabilité politique.
Le pays connaît un nouveau regain de violence depuis mi-février. Les gangs ont multiplié les attaques dans plusieurs quartiers qui échappaient jusque-là à leur contrôle. Et en dehors de la capitale, ils ont notamment attaqué fin mars une prison et libéré plus de 500 détenus.
«Viols de masse»
«En février et mars, 1086 personnes ont été tuées, et 383 blessées», a indiqué Maria Isabel Salvador. Plus de 5000 personnes ont été tuées en 2024.
Et ce en dépit du déploiement partiel de la mission multinationale de sécurité (MMAS) menée par le Kenya pour aider la police haïtienne dépassée.
La mission autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU compte désormais environ un millier de policiers de six pays, un compte encore loin des 2500 agents attendus.
«Une augmentation urgente du personnel de la MMAS est essentielle pour atteindre l’objectif et répondre aux attentes élevées et légitimes de la population haïtienne», a plaidé devant le Conseil Monica Juma, conseillère à la sécurité nationale du président kényan.

Mais la mission fait toujours face à un manque criant de ressources.
261 policiers kényans formés et prêts sont toujours en attente de déploiement «en raison d’un manque d’équipements et de soutien logistique», a noté Monica Juma.
Décrivant une situation humanitaire déplorable, Maria Isabel Salvador s’est d’autre part inquiétée du manque de financement pour les opérations de l’ONU, sans citer spécifiquement les coupes budgétaires décidées par les États-Unis.
Notamment pour des raisons de sécurité, l’ONU a déjà dû réduire sa présence dans la capitale, contrôlée à environ 85% par les gangs.

«Sans financement suffisant et prévisible, même une présence onusienne minimale pourrait devenir intenable [...] Sans cette aide vitale, les opérations de l’ONU pourraient être encore réduites, au moment où le pays a le plus besoin de nous.»
Dans ce contexte, elle a appelé le Conseil à ajouter des noms à la liste des personnes sur la liste des sanctions de l’ONU et à faire respecter l’embargo sur les armes.
Dans une déclaration commune, plusieurs membres du Conseil, dont la France et le Royaume-Uni, ont de leur côté réclamé de nouvelles sanctions «ciblées contre les responsables de violences sexuelles», exercées «de façon systématique par les gangs comme un moyen d’asservissement et de terreur».
«Nous condamnons de toutes nos forces les violences sexuelles et sexistes généralisées, dont les viols de masse, qui visent les femmes et les filles en Haïti», ont-ils souligné.