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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Guy Rocher: un siècle au service des autres

Guy Rocher se désolait de voir que notre système d’éducation à trois vitesses est le plus inégalitaire au Canada. Une grave injustice louangée pourtant par nos gouvernements.
Guy Rocher se désolait de voir que notre système d’éducation à trois vitesses est le plus inégalitaire au Canada. Une grave injustice louangée pourtant par nos gouvernements. Photo d’archives
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2025-09-05T04:00:00Z
2025-09-05T04:10:00Z
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À 101 ans et fidèle à lui-même, Guy Rocher a quitté ce monde tout en douceur. Humaniste avant tout. Sociologue d’exception. Intellectuel engagé. Pédagogue. Homme d’action. Il a voué sa vie entière au service des autres.

Un siècle de vie guidée par le même fil conducteur. Celui de sa quête incessante d’une plus grande justice sociale et d’une véritable égalité des chances pour tous et toutes. Sans elles, il le savait, la liberté concrète, individuelle et collective n’est qu’un mirage.

La vraie clé de Guy Rocher, elle est là. Elle explique pourquoi il est un des plus grands artisans de la Révolution tranquille et pourquoi il a toujours défendu le projet d’une école publique gratuite et laïque pour tous.

Il se désolait de voir qu’à l’opposé, notre système d’éducation à trois vitesses est le plus inégalitaire au Canada. Une grave injustice louangée pourtant par nos gouvernements.

Sa soif de justice explique aussi pourquoi, après la victoire du Parti Québécois en 1976, Guy Rocher devient sous-ministre du ministre Camille Laurin.

Malgré un milieu des affaires en colère et une communauté anglophone en furie, avec leur équipe, ils élaborent la Charte de la langue française.

Un Québec français de plus en plus diversifié
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Dans cette loi 101, complexe et touffue, l’objectif central est audacieux: imposer l’école primaire et secondaire française aux nouveaux arrivants qui, jusque-là, choisissent l’école anglaise à hauteur de 85%.

Il était urgent de renverser cette tendance alarmante. Aux côtés d’un Camille Laurin brillant et déterminé, Guy Rocher, encore là, opère en toute cohérence avec son fil conducteur. Comment?

En s’assurant que les enfants francophones et de toutes origines cohabitent enfin dans les mêmes écoles. Le français quitte son statut de langue «ethnique» canadienne-française pour devenir une langue nationale d’accueil et d’intégration.

C’est la vision d’un Québec français de plus en plus diversifié. Tout le contraire du repli sur soi. C’est une révolution d’une ampleur telle que ses opposants traîneront la loi 101 devant les tribunaux pendant des décennies.

Aussi par esprit de justice, Guy Rocher appuiera le printemps érable de 2012 et prônera l’application de la loi 101 aux cégeps.

Une enfant de la Révolution tranquille

Née avec la Révolution tranquille, sans Guy Rocher, comme tant d’autres, je ne serais pas qui je suis devenue. Dans notre quartier ouvrier et comme fille, contrairement à ma mère et à des millions de Québécoises depuis des siècles, j’ai pu étudier dans des écoles publiques de qualité.

J’ai ensuite eu accès à un très bon cégep et à une excellente éducation supérieure à l’UQAM, dont Guy Rocher était aussi un des artisans. En science politique, je me suis spécialisée sur la question linguistique pour laquelle il avait tant travaillé.

Depuis, sur la place publique, j’ai toujours pris la défense de la loi 101. Même face à un Lucien Bouchard qui, premier ministre, se refusait à la renforcer.

Le départ de Guy Rocher me fait prendre la pleine mesure de tout ce que je lui dois. De tout ce que le Québec lui doit. Ne l’oublions jamais.

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