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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Guy Nantel, le roi de l’humour noir

Guy Nantel nous psychanalyse
Guy Nantel nous psychanalyse Photo Agence QMI, TOMA ICZKOVITS
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Photo portrait de Denise Bombardier

Denise Bombardier

2022-10-27T21:00:00Z
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À l’évidence, Guy Nantel prend son pied à se faire craindre. Dieu merci, il n’a pas été élu à la tête du Parti Québécois. Son expérience dont on devine en voyant son nouveau spectacle, Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire... qu’elle a blessé son ego, nous a permis de retrouver l’humoriste au sommet de son talent.

Mardi soir, la salle Maisonneuve était remplie de gens, tous préparés à absorber cette expérience unique d’entendre cet humoriste, un tourbillon étourdissant qui use d’une liberté de parole réjouissante. Rien ne freine son ironie si décomplexée, si osée malgré la censure bien-pensante. On demeure stupéfait devant un spectacle dégagé de la vulgarité envahissante des shows de certains comiques tristes.

On oublie qu’en sortant de la salle on retrouvera dans la rue des gens qui se disent victimes des micro-agressions et qui restreignent la liberté d’expression. Car ils cimentent les esprits. Ceux des jeunes en particulier, éduqués dans une idéologie qui est pire, bien pire, que la catholicité bornée et stupide dans laquelle les plus vieux ont vécu et dont les générations d’avant le wokisme se croyaient délivrées.

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Intelligence

À vrai dire, le talent de Guy Nantel nourri de son expérience politique est maintenant décuplé au point de nous émouvoir derrière les rires qu’il suscite. Sa performance d’humoriste repose sur son intelligence et une distance acquise avec l’âge sans doute, qui permettent au public d’être non pas séduit – Nantel n’est pas un séducteur –, mais plutôt envoûté par sa parole libérée et troublante.

L’homme réussit un tour de force physique et mentale. Il enchaîne des horreurs sur les vieux, les jeunes, les trans, les politiciens de tous partis, les féministes déjantées, les imbéciles heureux, les végétaliens et autres handicapés de l’alimentation.

Le public se fait lessiver dans une laveuse d’intensité solaire, pour être séché ensuite à coups de mots qui sont loin d’être politiquement corrects. Mais il n’a cure d’être traité de tous les mots suffixés en -phobe.

Athlète

Guy Nantel est un Mathieu Bock-Côté pour ce qui est de son débit d’élocution et de sa richesse de vocabulaire. Durant une heure et demie, il s’applique à narguer aussi le public, insultant les uns et les autres, tous anonymes bien sûr, et en les désarmant par un éclat de rire pour reprendre son souffle, qu’il a aussi long qu’un athlète olympique.

Pour se dédouaner, il avait prévenu la salle au début du spectacle: «Je serai inclusif, paritaire et équitable: je vais mépriser tout le monde.» À vrai dire, il s’inclut lui-même dans ses cibles.

Croisé avant le spectacle, Jean-François Lisée m’avait mise en garde: «Nantel va démolir le PQ pendant 90 minutes.» Mais cela ne l’aura pas empêché de rire sans relâche pendant le spectacle. Car aucun parti politique ni aucun trait de caractère des Québécois n’échappent à ce père Fouettard.

On quitte la salle étourdi et épuisé par le côté percutant de l’humoriste. Une fois dans la rue, on se rend compte que la tristesse lovée au fond de Guy Nantel, cet homme habité par un sourd désespoir, est partagée par beaucoup de Québécois. Car le portrait exacerbé et paradoxal qu’il dresse du Québec nous renvoie à notre fragile avenir comme peuple en voie de déracinement.

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