Guilbault ou le pragmatisme dogmatique de la CAQ

Antoine Robitaille
Le 9 mai 2018, François Legault avait signé un engagement, avec tous les autres partis existants – excluant le PLQ –, de modifier le mode de scrutin.
Dans son programme électoral, la CAQ promettait d'adopter « une nouvelle loi électorale pour passer du mode de scrutin majoritaire au mode de scrutin proportionnel mixte. Chaque vote doit compter ».
Une fois au pouvoir, la CAQ a pendant des mois travaillé à définir une formule. Elle a finalement accouché du projet de loi 39, qui proposait une proportionnelle très modérée, avec compensation régionale, entre autres. Le PL39 sera finalement abandonné en décembre 2021. Prétexte : la pandémie...
- Écoutez Là-haut sur la colline avec Antoin Robitaille tous les jours en semaine dès 17h45 via QUB radio :
« Vrais problèmes »
Vendredi, lors d'une interpellation sur les « promesses brisées de la CAQ », Geneviève Guilbault, exaspérée, a lancé : « Les gens ne nous appellent pas au bureau de comté pour nous parler du mode de scrutin ! » Mais plutôt, disait-elle, pour dénoncer le manque de places en garderie, de médecins de famille; l'état des écoles; la circulation dense; l'inflation à l'épicerie.
L'extrait web a suscité des commentaires railleurs sur la nomenclature de problèmes quotidiens que la vice-première ministre se trouvait à faire. Comme si elle ne s'était pas rendu compte qu'elle dressait une liste de « vrais problèmes » du « vrai monde » que la CAQ, après 5 ans au pouvoir, avait échoué à régler.
Pas certain que c'est le bilan de 5 ans de gouvernement caquiste que le premier ministre voudrait entendre. Merci Mme @GGuilbaultCAQ pour cette transparence. pic.twitter.com/zxG0rFYKBf
— Bruno Guglielminetti | Mon Carnet (@Guglielminetti) September 29, 2023
Populisme
Il y a autre chose dans cette tirade, selon moi. Cette idée (fausse) que le problème, reconnu en 2018 formellement par la CAQ, de distorsions électorales sévères, causées par le mode de scrutin, n'était finalement pas si grave.
À preuve, les gens « n'appellent pas au bureau de comté » pour ça. L'argument relève selon moi d'un populisme de bas étage. Si nos élus devaient se borner à ne traiter que les questions pour lesquelles les gens « se battent dans les autobus », leur champ d'action serait étroit.
Deux exemples pour illustrer ceci : les citoyens appellent-ils dans les bureaux de comté pour réclamer une Agence de la Santé (projet de loi 15) ? Ou pour réclamer que les notaires puissent accéder à la magistrature (projet de loi 8) ?
Comtés menacés
Notons toutefois qu'ils téléphonent au bureau de député lorsque leur comté risque d'être fusionné avec un autre, comme ce qui est proposé par le Directeur général des Élections pour la Gaspésie. Et les élus, comme Maïté Blanchette Vézina, écrivent des lettres rageuses au DGEQ.
Or, en abandonnant sa promesse de modifier le mode de scrutin, la CAQ a aussi laissé tomber un mécanisme, la compensation régionale, qui, modulé, aurait pu servir à améliorer la représentativité des électeurs. En commission parlementaire, on aurait pu en profiter pour améliorer nos institutions. Faut-il ajouter des députés ? Ou consacrer, dans la loi, le principe que les comtés ne doivent pas dépasser une certaine taille ? Un vrai débat aurait même pu ramener l'idée de la création d'une deuxième chambre axée sur la représentation régionale.
Mais la CAQ cherche toujours à ignorer les problèmes de nos institutions (mode de scrutin, fédéralisme, etc.), à les traiter comme insignifiants. C'est le résultat de son prétendu « pragmatisme » qui, en définitive, a quelque chose de dogmatique.