Guerre tarifaire: des entreprises québécoises voient leurs ventes bondir, mais les économistes appellent à la prudence

Axel Tardieu
Les tensions commerciales avec les États-Unis stimulent l'achat local au Québec, au point que des entreprises voient leurs ventes bondir. Des économistes appellent néanmoins à la prudence vu le contexte économique imprévisible.
Contrairement à la majorité des entreprises, la guerre tarifaire avec les États-Unis avantage Top Glaciers, fabricant des crèmes glacées Bilboquet, Lambert et Solo Fruit, entre autres.
Leurs ventes en épicerie ont augmenté de 50% par rapport à l’an passé. Une bonne nouvelle alors que février et mars sont, normalement, les mois les plus calmes.
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«Ça permet aux clients qui avaient, peut-être, d’autres habitudes d’achat de goûter à nos produits et de se dire: “C’est fait ici et c’est très bon”», explique Pierre Morin, copropriétaire de Top Glaciers.

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«On gagne sur tous les fronts»
L’entreprise reçoit de plus en plus de demandes d’informations sur l’origine de ses ingrédients et les épiceries commandent d’ores et déjà plus de variétés.
«Ils regardent leurs ventes et se disent que c’est le temp d’élargir la gamme, donc on gagne sur tous les fronts. Si la tendance se maintient, on va embaucher», s’enthousiasme Pierre Morin.

La nourriture locale en vedette
Depuis l’annonce de l’imposition de droits de douane sur les marchandises canadiennes, 70% des Canadiens achètent davantage localement, selon un sondage Léger réalisé au début mars. L’agro-alimentaire est le premier secteur à en profiter.
«Ce sont des biens que l'on consomme fréquemment, dont l'expérience est répétée», explique Florian Mayneris, professeur d’économie à l’UQAM.
«C'est très différent de l'expérience d'achat avec un produit électroménager, par exemple, une laveuse ou une sécheuse qu'on va acheter une fois tous les 5 ou 10 ans».
La marque québécoise de jus de pommes Tradition a vu ses ventes augmenter de 5 à 15% par rapport à l’an dernier, «sûrement à cause du boycott du jus d’orange de Californie», estime Hugues Allard, directeur des ventes chez Vergers Paul Jodoin.
Délocalisations
Le boycott des produits américains profite aussi à TANIT Botanics, fabricant de cosmétiques naturels, dont les ventes ont doublé en seulement une semaine.
Des entreprises penseraient même confier à TANIT Botanics la fabrication de leurs produits.
«On a déjà répondu à cinq ou six demandes de compagnies qui fabriquaient initialement leurs produits aux États-Unis», explique Elorri Vigneau, la directrice des opérations.

Prudence
Les entreprises qui pensent profiter du boycott américain ne représenteraient toutefois qu’une minorité, seulement 4%, selon un sondage de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).
Ce n'est donc pas le temps d’investir, de s’endetter ou d’embaucher, selon Simon Gaudreault, économiste en chef de la FCEI, surtout pour les entreprises en Beauce dépendantes des États américains voisins.
«C'est dangereux de prendre quoi que ce soit pour acquis. L'incertitude, c'est mortel pour le développement économique.»
Il recommanderait plutôt de chercher des nouveaux clients dans d’autres marchés comme les autres provinces canadiennes et l’Europe.