Guerre en Ukraine: un «héros» avec son super-panier
Un Québécois aide les réfugiés ukrainiens en transportant leurs bagages dans des chariots d’épicerie

Héloïse Archambault
Armé d’un précieux panier d’épicerie, un Québécois fait des allers-retours à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne 10 heures par jour, depuis lundi dernier, pour aider les réfugiés épuisés à transporter leurs bagages.
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« On n’a pas toujours besoin de faire des choses extraordinaires pour toucher les gens, réalise Patric Crevier, 54 ans. Ça leur fait un baume. Ce n’est pas juste le bagage, c’est l’intention. Je suis venu de loin pour faire ça, ils sont surpris. »
Depuis lundi dernier, l’homme s’est trouvé une mission hors du commun pour aider les réfugiés ukrainiens : il les aide à transporter leurs bagages.
Chaque matin, il se rend à Medyka, à la frontière Pologne-Ukraine, et se trouve un précieux panier d’épicerie.
« Quand t’as un panier, tu ne le laisses pas aller. Sinon, en deux secondes, quelqu’un va te le prendre ! » assure-t-il.
Une femme qu’il a aidée, Svetlana, l’a même qualifié de « héros », ce qui l’a chamboulé.
« Son mari est mort en Ukraine, et son fils est retourné se battre, et c’est moi son héros... », confie celui qui travaille dans le domaine pharmaceutique.
- Écoutez Patrick Crevier en entrevue à l’émission de Benoit Dutrizac diffusée chaque jour en direct 10 h 30 via QUB radio :
50 à 60 km de marche
Toute la journée, M. Crevier fait des allers-retours entre les deux pays. Il marche de 50 à 60 kilomètres par jour.
« Ce sont de longues journées, mais c’est dur d’arrêter. Comment je peux retourner à l’hôtel quand du monde attend? », demande-t-il. « Mais à un moment donné, je n’ai pas le choix, mon corps me le dit ! [...] On monte une côte vers l’Ukraine. Le Tylenol et l’Advil sont de mise, le soir ! »
« Mais c’est tellement gratifiant », avoue l’homme au dossard jaune.
Le résident de Mont-Saint-Hilaire, en Montérégie, cherchait une façon d’aider les Ukrainiens depuis le début de la guerre. Même s’il n’avait aucune expérience en aide humanitaire et aucun contact sur place, il a pris l’avion le 19 mars.
« Je pouvais donner de l’argent, mais je trouvais ça lointain. Je suis débrouillard, je me disais que j’allais trouver quelque chose à faire », dit-il.
Une longue marche
« Il n’y a pas de boss ici. L’initiative est de mise, constate-t-il. Il y a des gens qui jouent aux bénévoles, mais qui ne font pas grand-chose. »

Lorsque les réfugiés ukrainiens arrivent à la frontière polonaise (en auto, autobus ou train), ils doivent encore marcher plus d’un kilomètre avec leurs enfants et bagages avant d’atteindre la douane.
Les mères ont souvent les bras pleins, et un panier d’épicerie n’est pas de refus. L’attente pour passer la douane peut dépasser les trois heures.
Une fois en Pologne, il accompagne à pied les réfugiés jusqu’à Medyka, où ils prennent un autobus vers une autre ville polonaise, à 14 km.
« J’essaie de les orienter », précise-t-il, malgré la barrière de la langue.
Retour en Ukraine
Par ailleurs, M. Crevier accompagne aussi des Ukrainiens qui veulent retourner dans leur pays, pour toutes sortes de raisons.
« La Pologne, c’est l’inconnu pour eux. Ils n’ont pas de plan, pas d’argent. Ils réalisent que tant qu’à être dans l’inconnu, ils aiment mieux retourner chez eux. D’autres se sentent mal d’avoir quitté. »
Et bien qu’il traverse les douanes deux fois dans chaque sens (pour chaque pays), les douaniers sont tolérants.

« Ils commencent à me connaître ! » dit celui dont le passeport est ultra tamponné.
M. Crevier prenait aujourd’hui son vol de retour vers le Canada. Bien qu’il aurait aimé rester plus longtemps, il ne retient que du positif. « Quand tu découvres l’impact [causé par le fait] d’aider les gens, c’est dur à battre », révèle-t-il.