Tarifs de Trump: à quoi s’attendre dans les prochaines semaines?
Donald Trump n’a pas signé son décret, mais menace l'imposition de tarifs douaniers pour le 1er février
Julien McEvoy et Gabriel Côté
Des semaines de supplice de la goutte d'eau plus tard, Donald Trump n’avait toujours pas signé de décret, hier soir, mais la Maison-Blanche a réitéré sa menace d’imposer des tarifs douaniers dès ce matin à ses alliés du Canada et du Mexique ainsi qu'à la Chine.
Plusieurs secteurs industriels sont visés: l’aluminium, le secteur pharmaceutique, l’acier et les semi-conducteurs. On ne sait pas si ce sera 25%, 10%, ou autre chose.
«Non, rien», a répondu Trump, vendredi, quand on lui a demandé si les trois pays visés pouvaient faire quelque chose pour éviter ses tarifs.
L’acier et le cuivre sont aussi visés par l’annonce de vendredi. Les pourcentages de tarifs, encore une fois, ne sont pas clairs, le président ayant maintenu le flou à ce sujet.
Le pétrole et le gaz canadiens seront aussi taxés davantage, a dit Trump, mais d’un tarif de 10%, pas de 25%. L’entrée en vigueur serait, dans ce cas-ci, le 18 février.
«On a déjà sauvé notre acier [dans mon premier mandat], on va y aller encore plus fort cette fois-ci», a déclaré le président depuis le Bureau ovale, en fin de journée, avant de sauter à bord de son hélicoptère pour une fin de semaine en Floride.
Onde de choc en vue
L’annonce marque le début d’une période de négociation portant sur les échanges commerciaux. Trump a aussi dit, vendredi, qu’il imposerait «certainement» des tarifs à l’Union européenne.
L’onde de choc se fera ressentir partout dans l’économie québécoise, du prix des aliments à l’épicerie jusqu’aux activités industrielles.
Des entreprises d’ici déplacent d’ailleurs une partie de leur stock aux États-Unis depuis quelque temps dans l’espoir d’amortir le choc de nouveaux tarifs.
Voici donc à quoi s’attendre dans les prochaines semaines ou prochains mois:
NOS INDUSTRIES
Des centaines de millions en investissement et des milliers d’emplois à Saguenay, à Laval et à Bromont sont plus fragiles depuis vendredi après-midi. L’usine de Moderna à Laval, dans laquelle Québec a injecté 25 millions, devra maintenant composer avec des tarifs douaniers élevés. À Bromont, où IBM a bénéficié de 100 M$ d’Ottawa pour son usine de semi-conducteurs, on doit se ronger les ongles, autant que dans la zone d’innovation à 25 M$ financée par Québec dans la même ville. Et que dire du Saguenay et de son aluminium? Le secteur québécois s’attendait certes à des tarifs, mais ce qui a été annoncé vendredi est le pire des scénarios envisagés.
Au Canada, c’est près du deux tiers des entreprises canadiennes qui ont déjà mis en place des mesures pour amortir le choc des nouveaux tarifs douaniers, selon un sondage de la firme KPMG publié cette semaine. Une entreprise sur deux (48%) prévoit investir aux États-Unis pour servir le marché américain et réduire ses frais d’exploitation. Des entreprises québécoises comme Guru sont du nombre. Certaines industries comme le bois d’œuvre s’attendent aussi à être touchées par les tarifs américains.
SAUVETAGE DE QUÉBEC
Comme les tarifs affecteront directement les entreprises qui exportent leurs produits vers les États-Unis, le gouvernement devra mettre sur pied des aides aux entreprises. Ces aides seront sectorielles, et pas totales, répète le ministre des Finances, Eric Girard, depuis un moment. De nouvelles dépenses qui vont assurément compromettre le retour à l’équilibre budgétaire prévu pour 2029-2030. Dans le contexte, a répété le ministre vendredi, ce retour à l’équilibre budgétaire «n’est pas la priorité».
INFLATION
Ottawa a déjà évoqué la possibilité de répliquer en imposant aussi des tarifs à la frontière sur certains biens en provenance des États-Unis. Ce sont les consommateurs canadiens et américains qui écoperont de ce jeu, car les producteurs risquent de leur refiler la facture, du moins en partie. Peu importe, le prix de certains produits partira à la hausse. C’est le cas par exemple des aliments qui proviennent du Mexique. «Tout ce qui est produit au Mexique va coûter plus cher ici, parce que ces marchandises doivent d’abord passer la douane américaine avant de se rendre au Canada», explique l’expert en alimentation Sylvain Charlebois: «Les exportateurs devront donc payer un tarif de 25%». Résultat: les avocats pour votre guacamole du Super Bowl pourraient vous coûter plus cher.
RÉCESSION EN VUE
Selon les calculs de la Chambre de commerce du Canada, les tarifs américains et ceux qu’adoptera possiblement le Canada en guise de riposte provoqueraient une contraction de l’économie canadienne de l’ordre de 2,6% ou, autrement dit, une récession. À titre de comparaison, l’économie canadienne s’est contractée de 4,4% en 2008-2009 lors de la récession liée à la crise financière.
Par ailleurs, l’éventuelle délocalisation de certaines entreprises pourrait provoquer des milliers de pertes d’emploi partout au pays.