Grossophobie médicale: le diagnostic de cancer d'un jeune père de famille retardé malgré d'intenses douleurs au ventre
On lui répondait qu'il devait maigrir pour son foie gras quand il allait à la clinique


Héloïse Archambault
Un père de famille de Longueuil souffrant de douleurs au ventre s’est fait dire durant plusieurs mois par sa médecin de famille qu’il devait simplement maigrir pour son «foie gras», alors qu’il avait un sérieux cancer de l’intestin grêle.
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«On revenait toujours avec la conclusion: il faut que tu perdes du poids. Vu que j’étais gros, c’était la réponse facile à donner», réalise Simon Doucet.
«Ils n’ont pas poussé plus loin, ils n’ont pas fait plus de tests!» ajoute sa conjointe Jessica Brodeur.
Âgé de 46 ans, le résident de Saint-Hubert, en Montérégie, est convaincu qu’il a été victime de grossophobie médicale. Mesurant 5 pieds 7 pouces, son poids a toujours oscillé autour de 220 livres.
«Ça faisait encore mal»
En mai 2021, il avait consulté à l’urgence de l’hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, pour des maux de ventre. Les tests médicaux n’avaient rien montré à ce moment.
«Mais ça faisait encore mal, se rappelle l’homme qui dit avoir une forte tolérance à la douleur. Je ne suis pas du genre à aller chez le médecin pour rien.»
Lors d’un premier suivi avec sa médecin de famille, M. Doucet s’est fait dire que les tests montraient qu’il avait un début de «foie gras» et qu’il devait perdre du poids pour régler ses maux d’estomac.
«Elle me disait ça, mais j’y croyais plus ou moins», avoue le patient qui s’est mis à prendre des médicaments pour se soulager au quotidien.
À l’automne, un autre médecin de sa clinique lui a servi le même discours.
«Il m’a dit: “Monsieur, vous avez encore mal, mais vous n’avez pas perdu de poids.” Il n’y avait rien à faire», déplore M. Doucet, qui a trouvé cela «insultant». Mais j’allais aux rendez-vous, je me disais: des fois qu’ils trouvent quelque chose!»
Durant près d’un an, M. Doucet dit avoir consulté à au moins quatre reprises à sa clinique pour les mêmes maux de ventre. Chaque fois, on lui disait seulement de perdre du poids sans jamais l’envoyer passer d’autres tests.
À un certain point, la douleur l’empêchait de manger toutes sortes d’aliments trop acides, trop épicés ou trop gras.
«Je ne mangeais plus beaucoup de choses, tout faisait mal», se rappelle le conseiller en sécurité financière.
«J’étais sous le choc»
Pour sa conjointe, il était clair que quelque chose ne tournait pas rond.
«Je n’y croyais pas!, répète-t-elle. Ce n’est pas vrai que le poids est la cause de tous les maux.»

Le 13 avril 2022, rien n’allait plus. Plié en deux dans une douleur insoutenable, M. Doucet a été transporté d’urgence à l’hôpital. Les tests ont rapidement révélé un cancer de l’intestin grêle.
«J’étais sous le choc, avoue le père de famille. Il y avait une tumeur qui bloquait 100% de l’intestin grêle.»
Opéré d’urgence, l’homme a été chanceux dans les circonstances: la chirurgie a permis d’enlever toutes les traces du cancer. Il n’a pas eu besoin de suivre d’autre traitement.
Aujourd’hui rétabli, M. Doucet continue de voir sa médecin de famille, mais avoue que la relation en a pris un coup.
«Je faisais confiance. Elle a étudié là-dedans, moi je n’y connais rien», avoue-t-il, ajoutant qu’il n’a pas eu l’énergie de porter plainte contre sa médecin.
«Mais il n’y a plus personne qui me parle du foie gras. Ni de mon poids!» ironise-t-il.