Gros test de crédibilité pour Carney qui présente son premier budget sur fond de guerre commerciale

Guillaume St-Pierre – analyse
OTTAWA | Le premier ministre Mark Carney met en jeu sa crédibilité avec le dépôt de son tout premier budget aujourd'hui, lui qui a encore été incapable de s’entendre avec Donald Trump comme promis.
Le banquier de renommée mondiale a clairement encore la confiance des Canadiens, mais il en a sans doute laissé sur leur faim depuis les élections d’avril dernier.
Quadrature du cercle
On a compris que Mark Carney n’avait rien d’un sauveur face à un Trump imprévisible et intransigeant.
Mais une promesse est une promesse, et le premier ministre ne l’a pas tenue jusqu’à présent.
Son budget sera donc l’occasion de faire tourner les yeux des électeurs vers l’avenir au lieu de se lamenter sur ce qui n’arrivera pas, c’est-à-dire une paix commerciale avec les États-Unis.
Dans le contexte économique difficile, tous les yeux seront tournés vers le déficit.
Comment investir plus pour se prémunir contre les tarifs avec de nécessaires investissements tout en ne le faisant pas exploser?
Transformer notre économie pour être moins dépendant des Américains, protéger nos industries qui souffrent déjà et convaincre les entreprises d’investir ici malgré l’incertitude: la tâche s’annonce complexe.
Promettre un budget «ambitieux», mais aussi «rigoureux» est plus facile à dire qu’à faire.
Justin Trudeau disait exactement la même chose, même s’il nous avait habitués à une orgie de dépenses saupoudrées à droite et à gauche pour faire plaisir à tout le monde.
Un déficit structurel à perte de vue s’est ensuivi.
Mark Carney signera-t-il la fin de la récréation à Ottawa comme il prétend vouloir le faire?
Survie
Il y a aussi la question décisive de la survie du gouvernement.
Le Bloc Québécois et les conservateurs semblent prêts à voter contre le budget. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a un tant soit peu dégonflé cette idée qu’une élection nous pend au bout du nez.
Son chef intérimaire, Don Davies, a signalé que ses députés pourraient tout simplement s’abstenir de voter.
Il faudra donc surveiller l’emploi par le gouvernement d’une quelconque pilule empoisonnée dans le budget.
Un élément qui dégoûterait les partis d’opposition, au point où ils n’auraient d’autre choix que de tenter de faire tomber le gouvernement Carney.
Hier, le ministre des Finances François-Philippe Champagne a soutenu qu’il n’y aurait «pas de surprise» dans ce budget.
Reste que cet exercice financier ratissera très large, puisqu’il comprendra aussi de nouveaux plans d’immigration et environnemental.
Les budgets sont autant un exercice politique que comptable.
Pour la première fois, l’économiste Carney nous présentera sa vision du Canada dans un monde en bouleversement.
Il devra ensuite la vendre aux Canadiens. Ce sera le plus important test de sa jeune carrière politique.