Grève chez Agropur: 2 millions de litres de lait jetés
Laurent Lavoie | Le Journal de Montréal
En cette période où l’épicerie coûte plus cher que jamais, des producteurs laitiers ont été forcés de jeter deux millions de litres de lait en quelques jours en raison du conflit de travail à la fromagerie Agropur.
«Mis à part le côté économique, la principale motivation, c’est de nourrir le monde. Là, tu jettes ton lait, lance Vincent Rainville, copropriétaire de la ferme J.G.L. Rainville. C’est assez ordinaire au niveau de la motivation.»
Depuis mercredi matin, les employés de la fromagerie Agropur de Granby, qui transforme 10 % du lait québécois au quotidien dans la province, sont en grève générale illimitée.
Cela force des producteurs québécois à trouver des solutions de rechange pour que leur lait soit transformé, puis vendu sous différentes formes.
Ainsi, sur les 70 millions de litres traités au total en une semaine au Québec, deux millions ont été jetés, selon Yanick Grégoire, porte-parole des Producteurs de lait du Québec.
Vincent Rainville a de son côté déjà perdu 8000 litres, l’équivalent de deux journées de travail.
Écoutez le commentaire de Philippe-Vincent Foisy à QUB radio :
«Si ça perdure, ça va être des coûts supplémentaires, donc une baisse de revenus à la ferme», souligne celui dont l’entreprise est située à Marieville, en Montérégie.
Options limitées
Dans une telle situation, les fermes ont des options limitées pour s’assurer que leur lait atterrisse dans les commerces de détail, selon Yanick Grégoire.
«Au Québec, comme au Canada, les capacités de transformation sont déjà presque au maximum», souligne-t-il.
«C’est le temps que ça finisse», a affirmé le président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil. Depuis une vingtaine de jours, les producteurs subissent les frais de cette grève. Avec une production de 800 000 litres de lait par jour, l'usine Agropur à Granby doit déplacer ces litres de lait entier vers d'autres usines du Québec et de l'Ontario pour y faire la transformation. Ce sont des coûts supplémentaires pour les producteurs, transformateurs et transporteurs.
«Les pertes continuent. On ne peut pas placer les 800 000 litres de lait par jour aussi rapidement. Il n’y a pas d’usine au Québec qui est capable de reprendre de si grands volumes. Nous avons été capables d’en placer 50 % dans différentes usines et l’autre 50 %, il faut le disposer en sous-produits», a-t-il ajouté.
Écoutez l’entrevue de Marc-André Leclerc avec Bernard Cournoyer, Conseiller de la Centrale des syndicats démocratiques sur QUB radio :
S’il n’est pas transporté vers des usines à l’extérieur du Québec ou utilisé pour l’alimentation des animaux, il est possible que le lait serve alors pour créer du méthane.
Les surplus prennent aussi le chemin des fosses et sont utilisés comme engrais.
«On convient que c’est une mesure qui est très choquante pour les producteurs qui mettent en marché un lait pour alimenter les gens», insiste M. Grégoire.
Il s’agit également de pertes de revenus servant à couvrir les frais d’équipement ou encore nourrir les vaches, ajoute M. Grégoire.
Néanmoins, il est prévu que toutes les pertes enregistrées seront réparties entre les producteurs.
Forcer la main

Somme toute, surtout dans une période d’inflation, il devrait être illégal de jeter ces productions qui sont un «bien public», fait valoir le directeur du laboratoire de sciences analytiques agroalimentaires à l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois.
«On forcerait tout le monde à trouver de nouveaux moyens pour conserver le lait», indique-t-il.
«Si on conserve le lait [au lieu de le gaspiller], on diminue le prix sur le marché [...] alors les producteurs feraient moins d’argent», précise M. Charlebois.
Rappelons que la Commission canadienne du lait a annoncé à la fin juin une hausse de 2,5 % sur le coût des produits, que ce soit le yogourt, le fromage ou le beurre.
Agropur a indiqué au Journal être consciente des conséquences du conflit et espère un règlement rapide.
Pour sa part, le président du syndicat des salariés de la fromagerie, Daniel Chaput, a souligné hier vouloir que les horaires actuels des employés soient conservés pour que le travail reprenne.
Chez Agropur, le message a été reçu
«On a reçu la lettre également. On est conscient de la pression qui est mise sur les Producteurs de lait du Québec. [...] Nous souhaitons un retour au travail le plus rapidement possible avec une entente juste et équitable», a dit la vice-présidente aux communications corporatives chez Agropur, Mylène Dupéré.
Les négociations intensives se poursuivent. Les deux partis n'ont pas souhaité donner de détails si une entente pouvait être trouvée prochainement. Le syndicat appuie toutefois les Producteurs de lait du Québec, dans leurs démarches.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Vous avez un scoop qui pourrait intéresser nos lecteurs?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.