Grégoire Delacourt: voyage au bout de la nuit


Karine Vilder
Le temps d’une nuit particulière, l’écrivain français Grégoire Delacourt nous permet de croiser la route d’un homme et d’une femme dont l’histoire va profondément nous bouleverser.
Dans son précédent livre, L’enfant réparé, Grégoire Delacourt s’est beaucoup livré. Sur sa vie professionnelle, ses amours, sa famille, mais aussi sur son enfance marquée par l’inceste. Avec Une nuit particulière, qui ne verse ni de près ni de loin dans l’autobiographie, rien de tel.
«Là, je souhaitais revenir à la fiction, au roman, explique Grégoire Delacourt, qu’on a pu joindre le mois dernier à Paris. Moi, j’aime bien écrire sur l’amour, mais surtout sur l’intime. Et après le récit de L’enfant réparé, j’avais envie de me pencher à nouveau sur l’amour dans ce qu’il a de beau, de solaire. J’avais envie d’écrire l’histoire d’un couple, et ça a été le point de départ d’Une nuit particulière.»
Pour commencer, il y aura donc Aurore. Pendant 30 ans, elle a partagé sa vie avec Olivier et durant tout ce temps, ils se sont aimés beaucoup, passionnément, à la folie. Mais cette nuit, Olivier la quitte pour de bon. Et en attendant qu’il vide l’appartement dans lequel ils ont été si heureux ensemble, Aurore va préférer sortir et errer dans les rues de Paris.
Là, dans le 13e arrondissement, elle croisera un beau quadragénaire d’origine italienne, Simeone. Même si elle a arrêté de fumer il y a longtemps, elle lui réclamera une cigarette. Puis, tout naturellement, elle lui demandera de l’emmener quelque part, peu importe où.
Car l’important pour elle est de ne surtout pas passer cette nuit seule, avec sa tête pleine de souvenirs d’avant et son cœur en lambeaux.

Une heureuse rencontre
«Paris de jour, ce n’est pas très beau, précise Grégoire Delacourt. C’est sale, bruyant, agité, pas très sexy. En choisissant Paris la nuit, ça me permettait d’éclairer ce qui est joli. De plus, il y a quelque chose de magique la nuit, quelque chose de ouaté, quelque chose en devenir.» Un peu à l’image d’Aurore, qui devra se reconstruire et apprendre à être sans son Olivier. Dans ce court et bouleversant roman, c’est elle qui va d’abord prendre la parole, qui va raconter cette nuit passée à déambuler dans la ville au côté d’un homme qui n’est pas le sien.
«La version d’Aurore, qui est très sensuelle, impudique, poétique, a été plus évidente pour moi à faire, souligne Grégoire Delacourt. Avec Simeone, ça a été plus de travail. Il est une sorte de contrepoids plus cérébral, moins impulsif. Sa version a été plus délicate à écrire, car il est plus fragile. Il est comme une glaise qui n’est pas sèche encore.»
Grégoire Delacourt reconnaît que l’un dans l’autre, le plus dur a été que l’histoire tienne jusqu’au bout «parce que finalement, c’est juste un homme et une femme qui traversent la nuit, ajoute-t-il. Ce n’est rien d’autre. Mais il fallait que j’accompagne ces deux personnages et qu’on ait presque envie qu’ils finissent ensemble. On oublie qu’il y a mille et une façons de faire l’amour...» De Simeone on découvrira au fil des pages qu’il est policier à la Brigade de protection des familles, qu’il a un fils adoptif de 17 ans avec lequel tout n’est pas toujours facile et qu’il est vraiment, mais vraiment charmant. Pour être honnête, Aurore aurait difficilement pu tomber mieux.
Un roman touchant
Ah, dernier détail: Simeone est également marié. Avec Marie, une femme qu’il aime et qui l’aime. Sachant qu’il est heureux en ménage, la question se pose donc: pourquoi Simeone a-t-il accepté de tenir compagnie toute une nuit à une parfaite inconnue? «Beaucoup de gens m’ont dit qu’après avoir lu Une nuit particulière, ils ont tenu à le relire tout de suite une deuxième fois, car maintenant qu’ils savent [pourquoi Simeone a bien voulu rester avec Aurore], le livre leur semble encore plus beau», indique Grégoire Delacourt. «C’est un roman qui touche profondément les gens. Même avec sa fin un peu wow, il donne de l’énergie, il donne envie de vivre. On a peur de la maladie, de la solitude, de la mort. Dans mes livres, j’essaie de dire que c’est inéluctable, mais que tant que ce n’est pas là, elle est belle la vie.»